Le Dakar, le défi fou de Philippe Croizon



Après avoir traversé la Manche et relié les cinq continents à la nage, Philippe Croizon, amputé des quatre membres, s’est lancé dans un nouveau défi en participant au Dakar en janvier prochain.

A trois semaines du départ de cette grande aventure, Philippe est revenu avec nous sur la préparation d’un tel projet, démontrant encore une fois sa volonté de repousser ses limites.

Participer au Dakar avec ton handicap, c’est quand même un projet fou non ?

“C’est aussi mon point de vue en effet, c’est un projet assez fou. Comme à chaque fois que je me lance dans un défi, j’ai d’abord une idée puis je recueille les informations et j’ai peur, mais il est alors déjà trop tard pour renoncer.”

Pourquoi le Dakar ? Est-ce une course que tu suis depuis longtemps ?

“Depuis tout petit je regarde le Dakar en effet. J’ai des souvenirs mémorables à la télévision, que ce soit avec des CX, des Renault 20 dans le désert, c’était assez hallucinant à l’époque.

Je me rappelle également des Audi de 1985, des Peugeot avec la fameuse 205 T16 jaune et le gros aileron à l’arrière, c’est vraiment quelque chose qui m’a marqué dans ma jeunesse.”

Comment est né ce projet de participer au Dakar ?

“Un jour, ma compagne Suzanna m’a dit que ça faisait longtemps que je n’avais pas mené une aventure. Je lui ai tout de suite dit que j’aimerais bien faire le Dakar. De là, on s’est lancés dans ce défi avec mon agent.

Quand j’ai une envie, je ne me fixe aucune limite, sans réfléchir à mes craintes et mes peurs. Quand tu as un projet comme ça, il faut avancer au jour le jour et toujours y croire. Quand j’ai traversé la Manche ou les cinq continents à la nage, c’était aussi cette démarche : essayer de trouver des solutions au fil du temps pour arriver à accomplir un objectif.

Quand je me suis lancé dans ce projet du Dakar, je n’avais aucun centime dans la poche J’ai été rapidement voir des ingénieurs pour les faire bosser en leur demandant de bien vouloir prendre des risques alors que je n’avais aucun budget, que ce soit K.Automobilité à Paris qui a inventé le système de conduite ou Freddy Valade d’Offroad Technology en Vendée qui a réalisé le système mécanique avec le passage de vitesses et la construction du buggy.

Au jour le jour, nous avons avancé, que ce soit pour trouver des solutions mécaniques mais également financières. J’ai crée mon propre crowdfunding pour permettre de financer les premières pièces de la voiture et réaliser les premiers tours de roue avant d’aller voir de gros sponsors tels que Matmut ou HAFA par exemple.”

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Et à partir de quand le budget complet du Dakar a été réuni ?

“Sérieusement, quand je suis parti au rallye du Maroc début octobre pour préparer le Dakar, le projet n’était pas viable car mon budget pour le Dakar était encore loin d’être réuni. Mais je n’avais pas le choix, je devais faire ce rallye, quitte à ne plus avoir de budget par la suite. Après ce rallye, il me restait 15 jours pour clôturer ce budget mais j’espérais que le Maroc m’ouvre quelques opportunités.

Pour prouver mes capacités, j’ai tout donné au Maroc que ce soit personnellement ou avec la voiture. J’ai été au delà de mes limites et celles de la voiture pour montrer de quoi j’étais capable. A l’arrivée du rallye, de nombreux pilotes sont venus me voir, tels que les pilotes Peugeot et Nasser Al-Attiyah qui m’a demandé où j’en étais dans mon budget pour le Dakar. Et de là, il m’a aidé pour réunir une bonne partie du budget (un chèque de 100 000 €) et le Dakar était lancé, c’était assez dingue.”

Quelles sont les modifications principales apportées à ton buggy ?

“Il y a principalement le minimanche hydraulique développé par K.Automobilité. Donc sur mon bras droit, j’ai l’accélération, le freinage et la direction sur un seul axe, c’est comme un manche à balai d’avion. Au premier entraînement au Maroc, nous n’avions pas de retour mécanique, on pensait que l’hydraulique suffirait mais c’était alors très compliqué de piloter la voiture. Ensuite, c’était vraiment un jeu d’enfant au volant. Il a fallu trouver la bonne réactivité et la bonne sensibilité avec tout ce système qui a représenté des heures et des heures de recherche.

On avait un problème ensuite avec l’absence de boîte automatique en pont arrière sur un buggy 2 roues motrices. Donc la difficulté était de trouver un système pour passer les vitesses. Cette fois, c’est Freddy Valade d’Offroad Techology qui a trouvé une solution avec un convertisseur hydraulique déniché aux Etats-Unis.

On a enlevé l’embrayage pour le remplacer par ce convertisseur et nous avons installé un sélecteur de vitesse sur mon bras gauche avec un vérin pneumatique qui tire et pousse le levier de vitesse à ma place. Le convertisseur absorbe les chocs pour passer la vitesse. Il y a également eu de nombreuses heures de boulot pour fiabiliser ce système. Lors de la BAJA Espagne et le rallye du Maroc, tout a très bien fonctionné.

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Aussi il faut savoir que mon bras droit est en l’air et je suis sanglé encore plus fort qu’un pilote normal. C’est mon épaule qui doit tout gérer puisque je suis amputé au niveau du coude, et je n’avais pas d’appui au niveau des jambes comme tout pilote valide, donc j’avais un problème de maintien. Du coup, nous avons conçu une pièce en carbone que nous avons mis devant le siège avec des sangles pour les jambes et ainsi j’ai des appuis à ce niveau là également. En fin de spéciale, en plus d’avoir mon bras en ruine, j’ai également les jambes désormais.

Bien sûr ensuite, tout ce qui concerne l’électronique, c’est mon copilote qui gère avec toutes les commandes de la voiture à sa portée. A ma droite, Cédric Duplé est un pilote confirmé, vainqueur des 24 h d’endurance TT de France, Portugal et Sardaigne. Il a donc fallu qu’il apprenne le copilotage. En Espagne, j’avais encore une appréhension au niveau de la vitesse et grâce à ses conseils, j’ai pu vaincre cette peur et améliorer largement mes chronos.

Au Maroc, je termine 15e avec 75 heures de pénalité car nous avons eu des problèmes mécanique et de navigation mais de nombreux pilotes étaient surpris de mes chronos aux intermédiaires. C’était une joie immense de voir des pilotes du Dakar tels que Cyril Despres, Carlos Sainz et bien sûr Nasser Al-Attiyah venir me voir et me féliciter, c’était la meilleure reconnaissance possible.

Le premier jour au Maroc, un gars de mon équipe m’a annoncé que j’avais fait le 7e temps du prologue et je croyais vraiment que c’était une blague. Le team manager, Yves Tartarin, m’a tout de suite recadré en me disant que je n’étais pas là pour faire des temps mais apprendre en prévision du Dakar. Le but là-haut sera de rejoindre l’arrivée de chaque étape avant d’espérer terminer ce rallye.”

 

Dès le 2 janvier, nous suivrons donc avec intérêt la course de Philippe Croizon avec un suivi régulier sur son aventure et ses performances. Vous pouvez d’ores et déjà suivre son actualité sur sa page Facebook et son profil Twitter.





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Denis
Denis
7 années il y a

Chapeau !
Au passage, MERCI à Nasser Al-Attiyah pour son “coup de pouce” de 100 000 €
Sportivement

klm
klm
7 années il y a

bonne chance a lui.