#5- Un goût d’inachevé (Les Carnets de Victor)



Après une première apparition largement réussie en ERC début mai, “notre” copilote Victor Bellotto avait rendez-vous en Italie pour une deuxième participation dans ce championnat, toujours aux côtés de Forian Bernardi et leur Renault Clio R3T.

Lors de ce Rally di Roma Capitale, les deux hommes ont rencontré un terrain de jeu nouveau, parsemé de pièges en tout genre, le tout dans une atmosphère typiquement italienne. Dans le coup pour la victoire à deux spéciales de l’arrivée, le duo tricolore terminait finalement son rallye en dehors de la route, renonçant pour la première fois de la saison.

Dans ce nouveau carnet de notes, Victor nous emmène encore une fois dans les coulisses de sa semaine de course, que ce soit dans le baquet ou en dehors, là où le travail du copilote réserve toujours des surprises…et en Italie, il a été bien servi !

Percy, nous revoilà

Notre bon résultat du Rouergue nous permet de confirmer notre présence à Rome, prochaine manche de l’ERC. Un premier pari déjà gagné par toute l’équipe et une nouvelle aventure qui commence. Contrairement aux Canaries, le travail de logistique a été grandement simplifié ici, à peu près comme un rallye classique : pas de bateau, même pas d’avion, ni de passeport ou de documents spécifiques pour la voiture. Mais ne croyez pas non plus que ce rallye fut une dolce vita, l’organisation s’est bien rattrapée ensuite question rebondissements et travail en heures sup’ !
Avec Florian nous décidons de partir dès le lundi matin, afin d’avoir une journée de battement avant le début des reconnaissances. Et bien nous en a pris. La route fut longue et pénible car la pluie ne nous a pas quitté du départ à l’arrivée et avec près de 12h dans les pattes, je nous voyais mal attaquer les reconnaissances dès 7h du matin.

Clichés et vérité

L’hôtel trouvait in extremis est bien situé par rapport au parc fermé et à l’assistance. Seulement, la brigade du style a un peu jeté l’éponge dans ce coin de l’Italie. La ville thermale de Fiuggi, à 90km au sud-est de Rome, a été choisie pour être le centre névralgique de cette nouvelle épreuve internationale. Pourtant très fournie en hôtels et hébergements, rien ne respire la jeunesse ici. Les bâtiments, hôtels, devantures, restaurants et populations sont tous restés bloqués dans les années ’70. Il y avait un magasin de chaussures avec des prix affichés en lire que je croyais abandonner mais non ! La journée rien n’est ouvert et on a dû se rabattre sur une sandwicherie douteuse pour avaler un morceau. Avec la chaleur, tout le monde est au thermes et la ville ne s’anime qu’une fois le soleil couché. A ce moment, les touristes asiatiques se ruent sur les restaurants et les personnes âgées rentrent à leurs hôtels. Il faut être très observateur pour savoir qu’il y a un rallye ici car il n’y a ni affiches, ni panneau, rien. Le nôtre d’hôtel est certes démodé mais il est archi propre et le personnel très accueillant, c’est bien le principal. Seul bémol : avec la chaleur étouffante et les clims qui ne marchent pas, nous devons laisser la fenêtre ouverte qui donne sur la rue qui s’éveille à 5h avec les éboueurs, puis les cars de touristes qui déposent ou embarquent des groupes. Les nuits sont courtes et agitées …

Frédéric et Thomas arrivent eux aussi après un long périple. Pendant qu’ils s’installent dans leur chambre nous nous rendons aux vérifications où nous croisons un équipage bien connu : Raphaël Astier et Fred Vauclare. La bonne préparation des documents nous fait gagner un temps précieux, même mon nom est enfin bien écrit ! Avoir des origines italiennes se révèlent utiles ici. Puis vient le moment de la récupération du GPS avec l’additif sorti il y a tout juste 5 minutes : désormais carte bleue et carte d’identité pour la caution ne sont plus d’actualités, il faut du cash, du cash ! Rien d’étonnant. Florian repart donc en ville pour aller retirer les précieux billets. Dans cette partie de l’Italie, même si le commerçant indique qu’il prend la carte bleue, vous pouvez être sûr qu’il trouvera toujours une excuse pour demander du cash : la machine ne marche pas, c’est un vieux panneau, je n’ai plus de ticket, etc … Faire une facture est un sketch et il vous faudra beaucoup de patience pour obtenir un petit bout de papier avec un tampon, et encore ce n’est même pas sûr que tout soit en règle. Comme de coutume, nous galérons à trouver un restaurant pour ce soir et la qualité n’est vraiment pas au rendez-vous. Quand on pense Italie, on pense à une gastronomie riche et variée, j’en sais quelque chose en tant qu’expert culinaire, mais ici c’est l’attrape touriste par excellence. Demain, mon crayon devrait chauffer.

Un parcours corsé

Sans surprise pour le programme des reconnaissances, nous choisissons la solution qui nous permet de partir le plus tard ! Elle nous évite surtout d’attaquer par la plus longue spéciale du rallye, 28km, dès le saut du lit. Nous commençons donc par la longue liaison vers Pico à près d’une heure, lieu des spéciales du premier jour. Ce Rally di Roma Capitale est en fait un immense puzzle : le rallye de Pico qui en est à sa 40ème édition sert de base pour le premier jour, auquel s’ajoute la deuxième étape tracée au nord de Fiuggi. Enfin, Rome prête son nom à l’épreuve pour le côté prestige et accueil le départ et l’arrivée avec une super-spéciale à chaque fois. A notre arrivée au départ de Pico, nous voyons les premiers concurrents faire des demi tours et les commissaires semblent déjà dépassés. Entre les additifs, le règlement et l’interprétation de chacun, difficile de s’y retrouver pour reconnaître la spéciale version longue et la partie super-spéciale. Toujours est-il que lorsque nous franchissons la ligne d’arrivée après 50min de concentration, on sait déjà que ce sera le juge de paix du rallye. Jamais je n’ai connu une telle spéciale : étroite, rapide, bosselée, remplie de ciel en aveugle, de pierres coupantes. Florian la résume simplement : « il y a plus de pièges que de virages ». Une sorte de Pignans sur 20 km en plus rapide mais pas plus large ! Nous ne serons pas à notre avantage face aux R2 et il faudra surtout éviter la crevaison ou l’erreur. Les deux spéciales suivantes sont plus classiques mais pas moins difficiles. Plus en altitude, nous devrions tirer notre épingle du jeu. Sur la liaison retour, nous faisons une brève pause casse-croûte en sachant qu’il nous reste encore la plus longue spéciale à reconnaître. Les 8 premiers kilomètres sont raides avec un enchainement incessant d’épingles et de relance. Puis on attaque un plateau rythmé type San Remo mais plus rapide où la bonne trajectoire est capitale. A l’arrivée du premier passage, j’ai vraiment besoin de souffler un peu pour reprendre mes esprits. Il nous faudra encore près d’une 1h30 pour refaire la boucle et en terminer avec cette longue journée. Après manger, je n’ai vraiment pas la force de m’attaquer au recopiage et je préfère préparer mes cahiers, les roadbooks et mes affaires histoire de m’avancer au moins sur cela et aller vite au lit.

Un début compliqué

En ce jeudi matin, il nous reste deux spéciales à reconnaître, celles du dimanche, au nord de Fiuggi. Tout est bouclé avant midi puis direction le parc d’assistance pour préparer le shakedown dans la foulée. La température n’est toujours pas redescendue et je transpire rien qu’en mettant au propre mes notes sous la tonnelle. Vivement la combinaison ! J’enfile mes habits de lumière au tout dernier moment puis direction Fumone pour les essais libres et la qualif. Là-bas, l’attente est déjà longue au départ. Il y avait le quart d’heure vauclusien, maintenant c’est la demi-heure italienne ! Nous finissons par partir pour un premier run de chauffe qui se passe sans encombres. La voiture réagit bien et les notes sont parlantes. Nous enchainons alors le second passage mais après 500m, un bruit à l’arrière puis un survirage étrange dans le premier droite nous mettent un doute. Florian continue et de nouveau ce bruit de claquement à l’arrière. Il me demande si le coffre est bien fermé, ce qui est le cas et il tente d’en trouver l’origine. Nous avons déjà considérablement ralenti mais le fameux bruit ne désemplit pas. Enfin l’arrivée. Florian immobilise la voiture et se jette à l’arrière. Il ne lui aura pas fallu longtemps pour identifier la casse simple et net de la tige d’amortisseur gauche. Gros coup dur. Nous pouvons dire adieu à la qualification mais le plus important maintenant c’est de pouvoir être au départ.

Frédéric et Thomas constatent eux aussi le problème et bricole une réparation pour nous permettre de rentrer à l’assistance. Avec l’équipe et Daniel Giroud de chez R.Tec, nous réfléchissons longuement pour trouver une solution, ce qui sera chose faite avant le départ le lendemain. Je réunis l’équipe pour un briefing complet sur toutes les procédures et les derniers additifs. Entre les zones de déchargement, le podium, la parade, les refuels, etc … il est bon que tout le monde est le même niveau d’information. Ce soir je ne peux plus me soustraire à mon boulot d’écolier, quitte à finir un peu tard. A 1h du matin, les yeux qui piquent et l’appelle de l’oreiller sont plus forts que ma motivation. Interminable recopiage. J’avais d’ailleurs partagé avec Yannick Roche mon appréhension sur ce rallye. J’ai rarement fait face à des spéciales aussi compliquées en termes de quantité d’informations, d’enchainement et de changement de rythme. Même en imaginant le groupement de notes et en ajoutant mes annotations, je n’étais pas totalement satisfait ni serein pour la course.

Parade en Papamobile

Sur le papier cette journée paraissait tranquille avec « seulement » la présentation dans Rome suivi de la super-spéciale. Mais nous arrivons sur place vers 10h30 pour reconnaître la SSS1 puis rejoindre l’équipe au lieu de déchargement. J’ai profité du long trajet pour mettre au propre les dernières notes et bien m’en a pris. Au vu des messages des équipages sur la conversation groupée, nous faisons l’impasse sur la SS15 en bord de mer : reconnaître à pieds, dans la circulation et sans le marquage au sol des ballots et des chicanes ne présente aucun intérêt. Nous ne tardons pas pour effectuer le trajet de 13km jusqu’à la zone d’attente du podium en centre-ville. Circulez en voiture de course, dans Rome, sous 40°C et entouré par les scooters et les romains, a de quoi stresser mais nous finissons tant bien que mal à ne rien abimer. Sortir de ce sauna est une délivrance et on aurait presque froid dehors, enfin pour au moins quelques secondes. Cette fois nous trouvons un vrai restaurant, histoire d’avaler un vrai plat de pâte et un tiramisu maison, bien au frais. Avant notre passage sur le podium, nous visionnons quelques caméras à l’ombre des remparts du Castel d’Angelo puis il est temps de s’habiller pour les photos. Nous apprenons dans le même temps que le Saintéloc Junior Team se sont fait forcer les voitures et que toutes leurs affaires se sont envolées. Combinaisons, sous-vêtements ignifugés, gants, bottines et surtout les notes, voire pour certains les ordinateurs et les enregistrements. S’en suit alors un formidable élan de solidarité pour trouver des solutions de remplacement, au moins pour prendre le départ. La cérémonie se fait dans une quasi indifférence et même s’il y a du monde, la foule est surtout composée de touristes en visite qui s’arrête par curiosité. Qu’importe, descendre du podium en face du Vatican n’arrive pas tous les jours. Nous paradons ensuite par groupe de 20 voitures au pieds des plus beaux monuments de la ville, escorté « parfois » par la police. Il y a eu des moments très chauds, surtout avec les deux roues mais nous finissons par arriver au lieu de la super spéciale. Ambiance conviviale entre tous les équipages et studieuse pour nous qui continuons notre visionnage à l’ombre des arbres.

Merci Facebook

Il est temps pour nous de débuter ce rallye de Rome par cette super-spéciale. Le temps de chauffer les pneus, Florian roule sur un bon rythme sans se poser trop de questions. Mais à la fin du deuxième tour, on voit que l’autre concurrent, en l’occurrence Emma Falcon, est toute proche. Il reste une épingle avant de pouvoir la doubler mais elle se bloque ! Pour couronner le tout, la marche arrière fonctionne mal et les secondes s’envolent. On la double dans la ligne droite et on en termine avec nos 3 tours avec déjà une dizaine de secondes de retard. J’essaye de rassurer Florian en lui disant qu’avec notre caméra embarquée, nous ne devrions pas avoir trop de mal à plaider notre cause auprès des commissaires. Mais pour l’heure il nous faut faire face à un plus gros problème : les bouchons. Archi saturé, nous progressons à pas de fourmi sur le périph’ romain. Les premiers ont déjà demandé au DC d’annuler toutes les éventuelles pénalités, ce qu’il confirme assez rapidement par communiqué officiel. La chaleur est insupportable et pas une seule brise ne pénètre l’habitacle. Après presque 1h et 15km sur 89, nous voilà enfin à une allure plus décente. Contre toute attente, nous arrivons à Fiuggi avec 3 minutes d’avance mais la soirée n’est pas terminée pour moi. Le copilote d’Emma et Emma viennent spontanément à notre rencontre pour s’excuser. Nous apprécions le geste et tranquillement j’explique que nous devrions avoir gain de cause. Il propose de signer le papier que j’avais préparé dans la voiture pour appuyer notre demande, classe. Sitôt à l’hôtel, nous tentons de visionner la caméra pour l’amener aux commissaires : « Invalid format ». Fichier corrompu, comme par hasard !

Mais par chance, le rallye a diffusé en direct la spéciale et Florian tente de retrouver notre passage. Le focus est fait sur Emma pendant les ¾ du chrono mais nous voyons clairement le moment du blocage et les secondes perdues, merci Facebook ! Je repars donc au Rally HQ avec cette maigre preuve qui ne fait pas trop sérieux mais je n’ai pas bien le choix. J’avais déjà prévenu sur le routier mais à mon arrivée je suis reçu immédiatement. Je montre la vidéo pendant qu’un des commissaires utilise une table à chrono officielle pour calculer précisément le temps perdu. Après 3 calculs, 10 secondes sont retirées de notre temps ce qui nous replace dans la course. Belle efficacité de la part de l’organisation.
Ce soir je n’ai même pas faim, je veux juste quitter ma camisole et prendre une douche froide. La vraie course commence demain.

Sacré morceau

Comme depuis le début de la semaine, je suis réveillé bien avant la sonnerie de mon portable. Difficile de vraiment récupérer et la fatigue commence clairement à s’accumuler. Le rituel reste le même qu’en France : petit déjeuner, visionnage des caméras et départ pour le parc fermé. Là-bas nous y retrouvons Ricciardo Canzian et Andrea Prizzon, nos compères du Trophée Clio R3T Italien, qui avaient abandonnés dans le dernier passage de Moyrazés il y a peu. Florian avait rapidement sympathisé avec eux et nous échangeons sur leur expérience de l’an passé. Nous partons ce matin dernier des prioritaires et derrière un équipage suédois à qui nous mettons presque 20s sur 4km. Sans grand espoir, je me dirige vers la relation concurrent pour demander 2 minutes, croisons les doigts. Dans cette première boucle, l’objectif est simple : ne pas crever ni faire de bêtises. Je crois que nous appréhendons tous les deux ce premier chrono de Pico car il y a beaucoup de chance de sortie et donc d’arrêt de course comme l’an dernier, de crevaison mais si vous prenez des risques et que ça passe, à l’arrivée ça fera forcément un bon chrono.

A 2 minutes de pointer, on voit déjà une file anormale de voitures en attente. Décasquage immédiat. Puis la course reprend brièvement jusqu’à ce que l’on soit à nouveau arrêté sur la ligne. Cette fois pendant près de 40minutes durant lesquelles nous avons pu discuter avec Gilles Combe ou encore Daniel Zanchetta dit « Moustache », un autre vauclusien. J’essaye de glaner quelques informations auprès des commissaires mais personne ne parle anglais. Enfin si, sauf un qui me disait : « Yes, I speak english ». Alors je commence à poser ma question et il me dit « In english please ». Ok mon accent n’est peut-être pas top mais c’était bien de l’anglais ! J’éclate de rire et abandonne l’idée d’avoir une réponse. C’est le copilote de Crugnola qui fera office de traducteur, bien plus efficace. Au bout de la 5ème fois où le chronométreur nous annonce « départ dans 5 minutes », nous rentrons pour de bon dans notre Clio, pas vraiment rassuré à l’idée de s’élancer dans ce chrono. Et c’est enfin le départ.
Après la sortie du village, les choses sérieuses commencent et je dois être hyper concentré pour ne pas perdre le fil. Florian tente de maintenir un rythme pour ne pas s’endormir et valider les notes mais tout nous saute à la figure. Je n’ai aucun répit et j’ai même du mal à prendre mes inters. Les changements de rythme sont incessants et je sens clairement Florian sur une légère retenue, comme prévue. Dans la dernière descente, nous passons le suédois parti devant nous puis une Abarth 124 qui nous fait signe de passer à la corde. Gros bruit sous la voiture et Florian est persuadé qu’on a aussi crevé. Mais par chance ce n’est pas le cas. On en termine enfin de ce chrono hors norme mais assez loin de Wagner, leader en ERC3. On s’y attendait un peu et maintenant il va falloir reprendre le bon wagon.

Florian Gyver

Le debriefing sur la liaison entre l’équipe et Daniel Giroud est productif pour essayer de rectifier le tir dans la suivante. Le profil est radicalement différent, sauf peut-être la dernière partie aussi piégeuse que Pico. Le rythme est plus soutenu et lorsqu’on passe Wagner, l’ancien leader, out pour de bon, cela confirme que la route est encore longue jusqu’à Rome. Dans les derniers kilomètres, Florian a dû mal à assimiler toutes les notes et les informations et plusieurs fois il freine trop tôt et s’énerve. Je reste sur la même ligne de conduite car tout arrive si vite que je n’ai pas le luxe de retarder plus mon annonce. Et ce n’est pas la 208 T16 de Laurent Pellier en contre bas qui me fera changer d’avis. Mais notre plus gros problème arrive dans le dernier gauche de la spéciale : le même bruit sourd qu’on a entendu jeudi lors du shakedown. Non ce n’est pas possible, tout est neuf ! On ne s’arrête pas pour les pressions et on descend rapidement la liaison jusqu’au prochain village. A peine la voiture arrêtée que le verdict tombe : l’amortisseur arrière gauche a cassé exactement de la même façon. Cette fois c’est certains, c’est sur la voiture qu’est l’origine du problème. Pour l’heure, notre préoccupation est de pouvoir terminer le prochain chrono et rentrer à l’assistance. Les talents de Florian Novikov, Schwarz ou Mac Gyver entre en action et il nous bricole une réparation de fortune ingénieuse pour brider tout l’ensemble. On repart à la limite en temps et après un arrêt express pour vérifier que tout tient en place, nous arrivons une nouvelle fois dans la minute pour le pointage. Préparation à la hâte dans la voiture et déjà le moment de s’élancer. Florian assure et test les réactions de l’auto sur les premiers kilomètres puis petit à petit hausse le rythme sans en faire trop. Cela nous permet aussi de bien valider les notes pour cet après-midi. A l’arrivée nous ne perdons que 9s sur 14,3km, ce qui est un petit exploit avec une voiture meurtrie sur 3 amortisseurs.

L’exploit d’une équipe

C’est au tour de notre équipe de réaliser des miracles. Le train arrière complet est identifié comme étant le responsable de ces casses à répétition. Il a donc fallu en trouver un à la hâte et tout préparer pour perdre le moins de temps possible. Et faire preuve d’ingéniosité pour faire fonctionner deux amortisseurs arrière droits, seuls rescapés. Frédéric et Thomas se donnent comme des diables mais le temps défile et Florian et moi ne pouvons pas rester à les regarder. Florian reprend du service comme mécano avec Thomas pendant que j’aide à la purge du système de freinage avec Frédéric. Il vaut mieux pointer un peu en retard et s’assurer que tous les flexibles de freins soient bien fixés que risquer un accident grave. J’annonce que nous sommes en retard et la voiture descend des chandelles. Je cours vers la table de pointage et pose le carnet 3min et 2s après l’heure idéal soit 3min de retard et donc 30s de pénalités. Dommage mais nous espérons cette fois que les soucis sont derrière nous pour de bon.

Dans Pico 2, nous montrons un tout autre visage, Florian fait abstraction de l’étroitesse de la route, fait confiance à ses notes et mes inters nous confirme l’avance par rapport au matin. Notre remontée est entravée par un tête à queue en descente dans une épingle. A l’arrivée la note est encore salée mais c’est un troisième temps en ERC3 tout de même. Mais désormais 5ème à 1min21 du leader, la première place semble loin. Nous signons nos 2 premiers temps scratchs dans les spéciales 6 et 7 et devons laisser filer le dernier chrono pour 6 dixièmes. Remontés de la 7ème à la 2ème place au soir de la première étape, nous sommes désormais à 1min11 de Mārtiņš Sesks, pilote officiel Opel. Un moindre mal après tous ces problèmes et sur une étape globalement plus favorable aux R2 agiles.

Et si jamais ?

Ce dernier réveil a dû mal à passer. Rentré à 1h du matin au parc fermé à cause du retard accumulé sur la journée du samedi, je n’ai pas l’impression d’avoir réellement fermé l’œil. Florian aussi à la tête des mauvais jours, lui qui d’habitude est tout heureux à l’idée d’enfiler son casque. La tactique de l’étape sera déterminée en fonction du résultat de la première spéciale, Rocca di Cave et ses 28km.
Manque de bol, elle est annulée ! On profite de la faire en liaison pour effectuer un troisième passage de reconnaissance et il ne fut pas de trop. Après notre expérience des jours précédents, ces quelques modifications apporteront un plus indéniable. Les deux spéciales suivantes bien plus courtes, ne nous permettront pas vraiment de faire la différence. Avec 2 nouveaux scratchs, nous prenons un peu d’air face à l’autre pilote officiel Opel, Kristensson, mais aussi 8s au leader Sesks. A l’assistance, on décide de partir avec une tactique offensive si jamais la longue nous était très favorable. Et bien nous en a pris. Cette fois pas d’annulation et Florian me sort une très belle spéciale. Très appliqué dans toute la montée, il négocie parfaitement les épingles et on en ressort vite à chaque fois. Dans le rapide, son principal atout, il profite de la puissance de la Clio pour grappiller encore du temps. La dernière partie hyper rythmée est elle aussi bien négociée mais les pneus arrières commencent à surchauffer et je suis obligé de le modérer pour qu’on reste propre. Entre la gestion des freins et des pneus, Florian avait du job mais le chrono à l’arrivée récompense ce beau travail d’équipe. Nous reprenons d’un coup 24,3s à Sesks qui a dû s’endormir un peu. Sacré morceau aussi cette spéciale.

Si proche du Colisée

C’est désormais une autre partie de mécanique qui nous attend : il faut intervertir les pneus et purger les freins. Le timing est serré, surtout au moment d’emprunter le chemin du petit train de Subiaco mais nous arrivons à l’heure. Nouvel arrêt de course qui nous permet de souffler et discuter avec Erik et Bertrand de la fin de course. Nouveau départ en pneus froids mais dans la continuité de la précédente, nous améliorons de 10s notre chrono du matin et surtout, nous reprenons plus de 19s au leader ! Impensable ! Sur un chrono court, nous n’aurions jamais pensé lui en reprendre autant. On est malgré tout conscient que si nous voulons l’emporter, il faudra être 2s/km plus rapide dans la vraie dernière spéciale du rallye ce qui paraît peu probable. Nous remettons des pneus frais pour ce dernier chrono histoire de maximiser nos chances et nous voilà déjà reparti. Le rythme est toujours aussi bon, pas d’alerte particulière ni de chaleur. Il me reste 1 page à tout casser sur mon cahier et au fond de moi, je sais qu’on a déjà passé les pièges de la spéciale. « 100m G120 mi bref au trou glissière », « G120 mi bref au trou glissière pour G120 mi long ferme fini frein dans D70 ». Pas de réactions. Alors je répète et toujours rien. Puis à la sortie de ce gauche à la glissière, Florian me demande la note que je répète à nouveau mais c’est déjà trop tard. Il tape dans les freins, le virage s’ouvre enfin et on aperçoit ce droite et la roche en face. On arrive bien trop vite pour le passer. Avant de heurter le rocher, je dis à Florian de façon automatique « Je te l’ai dit Flo ! » et pam. Arrêt des jeux. Cette fois la Clio n’ira pas plus loin. Notre course s’arrête à 300m de l’arrivée de cette ES14. J’appuie rapidement sur le bouton OK du GPS et un commissaire vient à notre rencontre pour s’assurer que nous allons bien. Le temps que les spectateurs dégagent l’auto qui bloque la route, 3 voitures passent puis la course est arrêtée le temps de dégager l’auto. Nous n’avons pas besoin de nous parler avec Florian, il n’y a rien à dire. Au-delà de l’immense déception, c’est bien sûr les dégâts sur l’auto qui nous inquiète, nous pensons déjà à la suite. Les causes de cette sortie sont multiples : fatigue accumulée, chaleur, envie d’arriver, moment d’absence.

L’objectif sur ces deux manches ERC est pourtant largement accompli. Sur un nouveau terrain inconnu, plus compliqué qu’aux Canaries, Florian a de nouveau montré qu’il avait tout à fait le niveau pour jouer la gagne en deux roues motrices. Nous sommes de nouveau les meilleurs performers malgré tous nos soucis et nous étions dans le Top 20 au général devant beaucoup de locaux. Merci à toute l’équipe, Daniel Giroud et Jean Jacques Ballot pour tout le boulot durant cette semaine éprouvante, à Erik et Bertrand pour la communication et les souvenirs avec le pape, Florian pour ces aventures humaines incomparables et à nos partenaires qui ont cru en ce projet. Maintenant un peu de vacances pour tout le monde avant un retour sur les sommets pour attaquer la deuxième partie de saison qui s’annonce décisive.




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Xarena
Xarena
5 années il y a

Pour avoir vu les images sur Eurosport, effectivement Florian était à contretemps dans ce fameux droite sans dégagement ni talus… Cruel en tout cas. J’espère de tout coeur que la facture de ne sera pas trop salée, ça me ferait tellement plaisir de les voir continuer. Bonne chance les gars!

Solid25
Solid25
5 années il y a

merci pour ce superbe récit de vos aventures Romaines et à très bientôt pour de nouveaux exploits.
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