Après trois résultats blancs en début de saison, Adrien Fourmaux a débloqué son compteur à l’issue d’un rallye du Portugal frustrant mais nécessaire pour la reconstruction de sa confiance, terminant 9e à l’arrivée.
Victime de deux crevaisons sur cette épreuve, le Français n’a jamais vraiment eu l’occasion de se libérer et de viser la performance. À l’issue de cette épreuve, le nordiste a décrypté avec nous ce week-end évidemment très utile pour son expérience alors que le rallye de Sardaigne arrive dès la semaine prochaine.
Quel est ton bilan de ce rallye du Portugal ?
“Il y a du positif et du négatif. Du positif car j’ai pris pas mal de plaisir sur un beau rallye avec de très belles spéciales. Ce rallye m’a permis de reprendre confiance, ce qui était l’objectif n°1 de cette épreuve après la Croatie. Je suis content de l’entame de la deuxième boucle du vendredi mais c’était malheureusement bien trop court car l’on crève sur la fin alors que nous sommes en tête au dernier intermédiaire.
Du négatif aussi car les crevaisons ont joué un rôle important dans ma course. Je n’avais jamais vu un Portugal aussi cassant avec notamment la spéciale de Gais avec de grosses pierres et des rails profonds. C’était vraiment le chantier lors des deuxièmes passages. J’ai déjà vu ça au Kenya mais nous sommes préparés à de telles conditions et on roule en fonction.”
Quelles avaient été les consignes avant le départ après ce début de saison très compliqué ?
“C’était simple ! Il fallait reprendre confiance et ramener l’auto pour préparer au mieux les autres épreuves terre à venir.”
Ton rallye a donc été marqué par deux crevaisons, une le vendredi après-midi, et une autre le samedi matin. Est-ce que tes choix étaient les bons ?
“Par rapport aux crevaisons, je suis un peu déçu d’avoir pris cinq roues pour cette boucle de vendredi après-midi. On a fait le même choix que la majorité des pilotes (sauf Tänak, Neuville, Greensmith et Rovanperä). Nous sommes tombés des nues quand on a vu toutes les crevaisons. Avec le recul, il aurait fallu prendre six roues et sans doute jouer sur la pression des pneus, même si cela allait à l’encontre de la performance.”
Quelles sont les différences en fonction des pressions justement ?
“Si on veut chercher la performance sur ce terrain, on a tendance à baisser la pression pour avoir plus d’empreinte au sol et plus de chauffe des pneus. Mais dans ce cas, on a une voiture moins précise et plus de risques de déjanter et globalement de crevaison. Avec plus de pression, on réduit ce risque mais nous avons moins de traction et de grip globalement.”
Le vendredi après-midi, tu as fait deux spéciales sans roue de secours. Quelle est la tactique à adopter dans ce cas de figure ?
“Il faut surtout faire attention au pneu d’appui, c’est à dire celui qui est à l’extérieur du virage. C’est le pneu qui a logiquement le plus de charge. Il faut être moins agressif sur les freinages et surtout ne pas bloquer les roues. Il faut accepter d’éviter les cailloux et dévier de sa trajectoire. C’est déjà quelque chose qu’il faut faire habituellement mais là, c’est encore plus important.”
Après cette fin de vendredi difficile, comment juges-tu les deux journées suivantes ?
“Samedi matin, j’avais une position forcément compliquée au départ. Je regardais les temps de Tänak qui partait devant moi et je suis plutôt content de la comparaison. Par exemple, dans une spéciale de 22 km, je perds 3s sur lui, c’était satisfaisant. Je ne prenais pas de risques et je n’avais aucun objectif de haute performance avec l’équipe.
Pour le dimanche, c’était de la gestion de course, il n’y avait rien à jouer et j’avais des pneus tendres usés et deux pneus durs usés dans le coffre. Les autres connaissaient en plus parfaitement les spéciales, donc c’était une journée un peu frustrante.”
On a donc vu beaucoup de crevaisons le week-end dernier au Portugal. Quel est ton avis là-dessus ?
“Les crevaisons ont toujours fait parties de ce sport. On ne peut pas tout le temps mettre ça sur le dos de Pirelli. Quand on déjante, ce n’est pas forcément Pirelli le responsable. Cette année, les conditions étaient bien différentes de 2021. Le sol était très sec, il y avait de gros rails et les pierres ressortaient rapidement du sol.
Cette année, nous avons aussi des voitures plus lourdes, ce qui implique forcément plus de dégradation. Avec l’ajout de la puissance, le problème est le même. Et il faut penser également à la réduction du débattement par rapport aux WRC d’avant. Le pneu doit donc absorber plus d’impacts qu’avant et lorsque nous roulons sur des cailloux, c’est forcément plus difficile que l’an passé.”
Vous avez eu très chaud dans les habitacles au Portugal. Quelles sont les solutions pour solutionner ce problème ?
“Il y avait énormément de chaleur dans l’habitacle oui, 65/70°C parfois. À l’arrivée de certaines spéciales, quand je sortais de la voiture et que j’étais debout, j’ai eu des vertiges et il fallait aussi faire attention à la déshydratation. J’aimerais bien simuler de telles conditions pour m’y habituer, mais dans le Nord, ce n’est pas évident !
En vue de la Sardaigne, on travaille actuellement énormément pour trouver des solutions car il ne faisait pas très chaud au Portugal le week-end dernier. On attend beaucoup plus chaud en Sardaigne et au Kenya et ça peut être dangereux pour l’équipage.
On travaille donc sur des matériaux pour mieux isoler les parties les plus chaudes de la voiture, mais également sur des ventilations plus grandes. On regarde également sur des petites choses comme une veste rafraîchissante après les spéciales ou des sprays.
J’ai pu voir que Hyundai avait testé quelque chose avec son toit, c’est forcément intéressant et si on peut gagner quelques degrés comme ça, c’est une bonne chose.”
Ce serait quoi un bon rallye de Sardaigne pour toi ?
” Je veux être vraiment régulier et avoir un rythme plus élevé qu’au Portugal, surtout dans la première boucle du vendredi pour être mieux placé ensuite le lendemain sur la route. Un bon rallye c’est aussi un week-end sans encombre avec un top 5/top 6 à l’arrivée comme ce que j’ai pu faire l’an passé en Sardaigne. Je sais que je ne suis pas à ma vitesse actuellement et je veux reconstruire ma confiance avec un résultat tel que celui-ci.”
Comment est le terrain en Sardaigne ?
“C’est assez différent du Portugal avec un sol vraiment très dur en dessous car c’est une île rocailleuse. Il y a beaucoup de pierres enchâssées et l’usure des pneus est importante mais on se retrouve avec moins de pierres à éviter car le sol sort moins de grosses pierres comme ce week-end.
Après, c’est un rallye vraiment difficile pour la mécanique, j’avais d’ailleurs abandonné avec la Rally4 sur un problème. Il y a quand même pas mal de risques de crevaisons si on commence à lécher les bords. Ce n’est pas très large et comme il y a beaucoup de végétation, il faut vraiment rouler à la note. Je m’y suis bien amusé l’an passé et il y a de belles spéciales. Il faut aussi faire attention à quelques compressions pièges. Globalement, c’est un rallye physique et pas très rapide.”
Contrairement à Hyundai et Toyota, tu n’auras pas d’essais avant la Sardaigne. Pour quelles raisons ?
“Depuis le COVID, M-Sport a licencié plus de la moitié de ses salariés et il était compliqué d’avoir une équipe pour les essais avec l’enchaînement Portugal/Sardaigne. On va se baser sur les informations du Portugal mais également de nos essais avec la Puma en Sardaigne l’an passé.”
Les analyses des pilotes français sont toujours de grands beaux articles, car il y a de la matière à lire, merci RS. Fourmaux n’est pas dans le meilleur moment de sa trajectoire personnelle, on le sait tous, enfin presque… mais il reste très lucide, à son habitude. Espérons que le Portugal soit la base à partir de laquelle reconstruire, et on ne peut que le lui souhaiter : bonne chance! M-Sport, non mais sans déc, de nouveau des économies sur les essais?… je croyais que c’était juste l’impasse de la saison où ils ont sabordé Lappi et Suninen, mais non….… Lire la suite »
Bel article, avec une analyse et des explications pleines d’intérêt. Merci RS et des encouragements pour Adrien Fourmaux