Ingénieur d’exploitation : le couteau-suisse du pilote



Etroit confident d’un pilote, l’ingénieur d’exploitation joue un rôle crucial quant à la réalisation de performances, que ce soit grâce à son apport technique mais aussi mental.

Dans ce nouveau portrait, nous avons pris contact avec Florent Peronnet, ingénieur et responsable technique chez 2C Compétition depuis plus de deux ans. Au sein de l’équipe française, Florian dispose d’un agenda bien chargé entre notamment le programme de Pierre-Louis Loubet en WRC-2 et celui de Sylvain Michel en championnat de France.

Pour tout découvrir de cet autre métier du WRC, cet interview devrait répondre à bon nombre de vos questions.

Une petite présentation rapide ?

“Je suis Florent Peronnet, j’ai bientôt 30 ans et je vis à Saint-Etienne. Je suis responsable technique et ingénieur d’exploitation chez 2C Compétition. Je partage le rôle de responsable avec Gaël Le Clainche en étant chargé de la partie technique.”

Quelles études as-tu fait pour arriver à ce poste ?

“J’ai un parcours différent des autres ingénieurs. J’ai démarré en bas de l’échelle (sans être péjoratif), en démarrant avec un boulot de mécanicien et le travail sur des camions. Il était pour moi primordial de savoir comment travailler sur les voitures. J’ai encore beaucoup de plaisir à travailler avec les mécanos. Il faut au moins connaître les bases pour devenir ingénieur ensuite.

J’ai toujours été passionné par le rallye, et j’ai toujours souhaité que cette passion devienne mon métier. J’ai fait un BTS en alternance dans un garage, mais je voulais vraiment travailler dans la compétition. Je suis entré ensuite à l’IEMS d’Alès pour une durée d’un an et une formation pour apprendre la construction et l’exploitation d’une voiture de A à Z. Pendant cette année d’études, j’ai fait des stages chez SLR, je travaillais en ELMS (refueling) et en GT Tour (mécanicien sur une Mercedes SLS). Il s’agissait de mes premiers pas professionnels dans le sport mécanique.”

“Grâce à SLR, qui était à ses débuts, j’ai eu l’occasion d’observer pas mal le métier d’ingénieur et cela m’a convaincu. Je suis donc parti en école d’ingénieurs en alternance du côté de Clermont-Ferrand. J’avais un contrat de 3 ans avec Bozian, qui était à l’époque, une très grande équipe avec un gros savoir-faire. C’était un privilège pour moi de faire mes débuts dans ce team. C’était très formateur, j’ai pris beaucoup beaucoup d’expérience. Il n’y avait pas des programmes de rêve, mais je pouvais tout apprendre.”

Tu as lié directement école d’ingénieurs et sport automobile. Etait-ce un problème ?

“Très peu d’écoles d’ingénieurs forment pour le sport automobile, et encore moins en alternance, aucune même. Donc, j’ai opté pour une école d’ingénieurs en génie industriel. C’est un peu la seule école qui a accepté ce parcours. 50% des cours ne me servaient à rien et j’ai eu une grosse remise en questions après un 1 an.

Pendant cette formation, je devais réaliser également un stage de six mois à l’étranger. Hors, c’était la période septembre au début d’année suivante, et en sport automobile, c’est la période creuse. Donc je suis parti au Moyen-Orient où les principales courses se disputent pendant l’hiver avec des températures plus fraîches. J’ai eu un très bon contact avec eux et je travaille encore avec eux tous les hivers en tant que freelance. Je garde la priorité au rallye bien sûr, mais souvent, après le Var, je m’envole pour Dubai directement.

C’est intéressant de cumuler avec le circuit. Les façons de travailler sont différentes et on peut cumuler les deux expériences. Je suis de toute façon un peu hyperactif, donc 2-3 semaines à l’atelier, ce n’est pas pour moi. J’aime être sous pression, j’ai du mal à avancer sans objectif.”

Comment-es tu arrivé chez 2C en 2017 ?

“J’avais signé un contract en CDI avec Bozian en sortant des études. En 2016, 2C avait alors beaucoup de travail et on avait un contrat avec Bozian pour nous sous-louer le programme de Sylvain Michel (à 90% en gros pour Bozian). La vitrine et la logistique étaient pour 2C. Au deuxième tiers de la saison, j’ai pris également en charge le programme de Julien Maurin en championnat de France Terre et en WRC-2. Fin 2016, j’ai eu envie de rejoindre 2C Compétion à plein temps et c’est ce que j’ai fait.”

Pourquoi 2C justement ?

“Car pour moi, 2C, c’est la rigueur. C’est la seule structure comparable à Bozian à l’époque en France. C’est typé usine mais à petite échelle. Tu n’es jamais pris par surprise et les programmes sont axés sur la qualité et non la quantité. Les programmes sont plus à long terme et au bout de 2/3 courses, on commence à nouer des échanges très productifs, c qui est très intéressant pour la suite des programmes.”

Quel est ton rôle chez 2C ?

“Je suis là pour tous les moments de l’équipe. Je fais énormément de social et de relationnel, en parlant de technique, de devoir rassurer le pilote, le pousser ou au contraire le ralentir. Avec l’expérience, on commence à bien connaître les caractères. Et le reste du temps, je reste derrière l’ordi, je pense qu’on peut découper à part égales.

Côté technique, j’ai une connexion permanente avec l’équipage. 80% du travail à faire est connu en rentrant de l’assistance. Il faut anticiper différents choix techniques. Après chaque spéciale, le pilote m’envoie au moins un texto et son feeling avec la voiture. En 4 jours de rallye, cela représente 4 ou 5h de discussions je pense avec le pilote. En liaison, l’équipage peut agir sur la hauteur de caisse et réglages d’amortisseur hydraulique principalement. On apprend d’ailleurs les équipages à travailler sur la voiture.”

Et du côté de l’ordinateur. On pense à des courbes, des couleurs et des nombres…c’est à peu près ça ?

“On va dire oui, en synthétisant. Contrairement à une équipe d’usine, 2C travaille avec un seul ingénieur sur la voiture donc je dois partager mon temps entre celui pris avec le pilote et l’autre à analyser les données. J’essaie de maximiser mon temps d’acquisition de données après beaucoup de préparation à l’atelier pour mieux réagir. Si pas de problèmes techniques, je penche plus sur le côté pilotage, et si problèmes, à la recherche de pannes.

Sur une assistance de 30min, j’ai 15-20 min maximum d’acquisition de données, 5 min avec l’équipe et 5 min avec l’équipe tout en bas pour tout vérifier. La question que l’on a alors c’est forcément : Qu’est-ce qu’on a oublié ? Mais normalement, rien, heureusement.

Je dois discuter également avec le chef de voiture pour l’aspect technique, et au responsable pneus qui est également mécano. C’est un métier vraiment passionnant.”

Quels conseils donneraient-tu à un jeune voulant devenir ingénieur en rallye/course ?

“Il ne faut pas vouloir griller les étapes et savoir assez tôt dans quel domaine il faut se cibler. Il n’y a pas forcément une part de chances, il faut se donner à fond, c’est le principal.

Les écoles comme Saint-Vallier et Roger Claustre qui sont dans ma région, sont très bonnes pour apprendre vraiment le métier de mécaniciens mais certains domaines ne sont pas pris en compte. L’IEMS que j’ai fait, offre plus de possibilités selon moi, tout comme l’Ecole de Performance. Cela donne une belle carte de visite.”

Quel est le plus difficile dans ton métier ?

“Savoir être un couteau suisse et savoir tout faire, surtout dans le cadre d’une équipe privée. Il faut être le plus organisé possible pour gérer tous les aspects d’un ingénieur. Il faut prévoir les plannings de vacances, les commandes, les chargements des camions. Un ingénieur ne s’occupant que de la course, c’est très très rare, c’est vraiment du très haut niveau. C’est aussi de la gestion humaine, de la logistique et plein de petites choses.

En logistique sur le WRC-2, nous sommes aidés par All Sports Management cette année, et ils font du gros boulot. Ils ont toujours la réponse avoir même d’avoir posté notre question.”

Quel est ton emploi du temps grossièrement ?

“Sur les épreuves, je pars environ une semaine et les journées sont facilement d’environ 14h. On peut partir sur des journées commençant à 6h et terminant à minuit. Je suis ensuite dans l’atelier et je ne rentre pas chez moi avant 19h30-20h00. En mai et juin, j’ai travaillé à chaque fois 28 jours, et la vie privée est forcément moins présente qu’un boulot “normal”. Mais je veux en profiter en étant jeune avant d’avoir d’autres objectifs. Donc je me repose le dimanche…quand il n’y a pas de rallye.”

As-tu d’autres projets ?

“Je rêve, et c’est même l’objectif à moyen terme, de monter ma propre équipe en rallye. Mais pour cela, il faut une puissance financière très élevée.”




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saxonic
saxonic
4 années il y a

super article bien détaillé, merci rs et à vos intervenants

Micdegre
Micdegre
4 années il y a

Il me semble qu’il a été aussi pilote non ? Si c’est celui auquel je pense il est même loin d’être mauvais.