Monté Carlo 1985 : Ari Vatanen, l’aube d’une légende



Aujourd’hui 27 avril 2020, Ari Vatanen fête ses 68 ans, déjà. Joyeux anniversaire Monsieur Vatanen ! C’est l’occasion pour nous d’évoquer un épisode inoubliable de sa carrière, le Monté Carlo 1985.

En France, il est incroyable de constater que 35 ans après ses exploits, Ari Vatanen est au-moins aussi connu et aimé que peuvent l’être Loeb et Ogier… Le Monté Carlo 1985 est pour beaucoup dans cette popularité et à l’issue de cette 53ème édition, le « Flying Finn » est même devenu le plus Français des Finlandais.

Ari Vatanen est né en 1952 à Joensuu à 20km de frontière Russe, c’est un gars sympathique qui démontre une franchise et une loyauté désarmantes et en toute occasion, il reste abordable et simple. Vatanen possède un indiscutable charisme mais surtout, ce grand blond à la godasse de plomb fait gagner la France. En 1984, la Peugeot 205T16 débarque en rallye lors du Tour de Corse et dés le second chrono, Vatanen signe le scratch et s’impose comme le leader naturel de l’équipe. Le Finnois remporte les trois dernières manches du championnat : 1000 Lacs, Remo et RAC ! Chez Peugeot, la 205 ce « sacré numéro » est propulsée en tête du hit-parade et l’élan médiatique qui s’empare du duo Vatanen – 205T16 est inimaginable à notre époque. En France, on possède alors un grand nombre d’excellents rallymen mais aucun constructeur tricolore n’a encore relevé le défi de battre Lancia et Audi. Les français ont besoin de vibrer à l’unisson, ils rêvent de défis et de belles histoires. Le Groupe B et Ari Vatanen se trouvent sur la route de l’histoire.

En 1970, le jeune Vatanen fait ses premiers rallyes au volant d’une Opel Ascona. Les spectateurs découvrent un talent exceptionnel animé par le feu sacré, ce fameux « sisu », et qui a une obsession : se faire remarquer. La pauvre Ascona passe autant de temps sur les portières et sur le toit que sur ses 4 roues mais bon an, mal an, elle conduit son pilote au départ des 1000 Lacs 1974 où le jeune finlandais au visage angélique signe des chronos fantastiques avant d’arracher une roue. Mais il dégote son premier sponsor ! Grâce à ce dernier, Ari découvre le championnat d’Angleterre au volant d’une Escort RS 1800. Il a 23 ans et fait sensation, autant par son incroyable engagement que par ses effrayantes sorties de route. Fin aout 1975, à Jyväskylä, Vatanen prend le départ des 1000 Lacs avec une bonne auto, enfin. Avec les notes de Timo Mäkinen, Ari se montre digne de son illustre ainé et s’empare du commandement de la course devant Mikkola, Lampinen, Alen et la Ford RS 1800 de… Mäkinen, avant de sortir de la route ! Au Rac, Vatanen veut prouver, encore et encore, et connaît un crash énorme, à 180km/h… Le plus effrayant de sa carrière dit-il. C’est dire… Malgré ces frasques et ces erreurs, Ford et Stuart Turner pensent avoir déniché la pépite du siècle et font signer le nouveau Finlandais volant pour la saison 76. Ari réalise une énorme campagne, il décroche 6 victoires et le titre Britannique. Stuart Turner lance sa pépite dans un programme international en 1977. Sous bonne Escort, Ari finit 2ème en Nouvelle Zélande. L’année suivante, il se classe 5ème en Suède mais son incroyable pointe de vitesse a un revers : ses erreurs et ses sorties commencent à fatiguer l’état major de Ford. En fin de saison, l’espoir de Tuupovaara se retrouve potentiellement à pied ! C’est là que David Richards débarque et sauve la carrière de Vatanen. L’histoire continue en 1979, toujours avec Ford… mais avec Richards dans le baquet de droite !

En janvier 1979, l’équipage Vatanen – Richards se présente au départ du 47ème rallye Monté Carlo. Alors qu’il n’avait que 8 ans, Ari fut confronté à la mort de son père qui succombe alors dans un accident de la route. Vers 12 ans, le petit Vatanen s’entraine au volant de la voiture maternelle et il apprend, seul, à conduire, à freiner…puis à glisser. Vers 14 ans, le jeune Finnois se découvre une véritable passion pour le rallye en suivant le Monté Carlo 1967 et les exploits du vainqueur Finlandais Rauno Alaltonen. Et depuis, plus aucun Finlandais n’a remporté l’épreuve Monégasque…
Si le Monté Carlo 1979 reste dans les mémoires comme l’année qui consacra Bernard Darniche et sa Stratos, cette édition affiche aussi un plateau de rois en Gr2. Avec les R5 Alpine de Ragnotti, Frequelin et Saby, les Fiat Ritmo de Bettega et Eklund, la Golf GTI de Thérier et les Fiesta de Clark et Vatanen, la lutte s’annonce superbe. Ari découvre le Monté Carlo. Autour de centaines de feux de bois improvisés, l’Ardèche va découvrir un illustre inconnu qui semble transcendé par une motivation extrême : le Sisu. Le 22 janvier, 233 partants ont rendez vous avec Burzet à 3H30 du matin. Un morceau de bravoure où l’inconnu devance d’emblée Fréquelin! Dans le grand froid de la nuit Ardéchoise, ce sera sa première rencontre avec le Grizzly …Ragnotti est handicapé par une épaule douloureuse et à la régulière, la victoire se dispute entre Fréquelin, Thérier et Vatanen. Dans le Turini, bien aidé par les 170cv de sa Fiesta, le Finlandais claque le 4ème temps scratch, posant 18sec au pilote de la Golf qui marche aussi très fort grâce aux 162cv nourris par Cresson. Après l’apéro, on passe au plat de résistance et à l’issue du parcours commun, à l’heure du Trou-Normand, le pilote de Neufchâtel-en-Bray place la VW à la 9ème place scratch, 57sec devant la « planche à roulettes » de Fréquelin. A St-Nazaire-le-Désert, Vatanen signe un immense exploit et colle 34 sec à la R5 Alpine en 23km…Thérier est un acrobate de génie et le prouve une fois encore dans la descente verglacée du col-de-Perty. En slicks face à son pote Fréquelin en clous, le Normand fait quelques figures libres et passe la ligne d’arrivée en marche arrière… dans le même chrono que le Grizzly ! Après un bon canon de rouge à l’assistance (il n’y avait pas encore de principes de modération ni de précaution à l’époque) le pilote de la Golf est magistral sur la neige du Lautaret mais abandonne dans Peille à cause d’un serre-câble d’accélérateur à deux balles. Guy Fréquelin rentre 8ème sur le port de Monaco et remporte le Gr2 avec une petite Renault de 135cv seulement. On se rappelle qu’en 1976, le Grizzly du plateau de Langres avait pris la tête du rallye avec une Porsche Gr3…Fréquelin est redoutable et fiable. Vatanen n’est pas encore tout à fait fiable mais il rallie le rocher en 10ème position. La révélation du rallye, c’est lui !

En 1980, le Finlandais connaît enfin la délivrance en s’imposant à l’Acropole devant Salonen et Alen. Mais sa saison se termine par une énième sortie de route…Vatanen est-il incorrigible ?

La meilleure réponse est apportée par le pilote Ford en 1981. Toute la saison, la lutte pour le titre suprême fait rage entre la Talbot Sumbeam de l’équipage Guy Fréquelin – Jean Todt et l’Escort RS 1800 du binôme Ari Vatanen – David Richards. Quatre destins extraordinaires ! Guy est redoutable mais Ari s’impose à nouveau en Grèce, puis au Brésil, puis…aux 1000 Lacs, enfin ! Le jeune pilote Ford rejoint Jyväskylä en héros et avec 59sec d’avance sur Alen et 2min52 sur Mikkola. A domicile, Vatanen devient le plus grand Flying Finn ! Au Rac, il n’a besoin que de quelques points pour décrocher son premier titre. Face à lui, Fréquelin espère devenir le premier champion du monde Français mais la pompe à essence de la Sumbeam en décide autrement. A 29 ans, Vatanen devient champion du monde des rallyes et décide alors…d’aller faire son service militaire !

Après le bonheur et la consécration, voici venu le temps de la désillusion. Ford arrête le rallye et le champion du monde est à pied ! David Richards quitte le Finlandais qui se retrouve au départ du rallye de Suède avec une Escort privée et un nouveau copilote, Terry Harryman. Ils se classent 2ème derrière la Quattro de Blomqvist mais la suite de la saison sera maigre et chaotique.

En 1983, la carrière de Vatanen rebondit dans le team Rothmans-Opel avec une Ascona 400. De retour au Monté Carlo, Ari se classe 5ème …mais avec le moral dans les chaussettes. En début de course, il a été dominé par un de ses équipiers, Guy Fréquelin, avant que le Français fasse la sortie de trop dans Entrevaux. Ensuite, c’est le 3ème homme de l’équipe, son jeune compatriote Henri Toivonen, qui se montre étincelant. Cette année là, les 037 de Röhrl et Alen sont imbattables mais Henri réussi le 2ème temps à Entrevaux et pose des valises à Ari…Ce dernier retrouve un peu la pêche dans St-Michel-des-Portes où il devance enfin cet encombrant équipier. Mais le « petit prince » claque le scratch dans St-Sauveur, devant Röhrl puis récidive à Seyne, il peut encore s’intercaler entre les deux pilotes Lancia quand il sort à Trigance et y laisse 8 minutes. Il finira 6ème derrière Vatanen qui, honnête et humble, se dit impressionné et impuissant devant la performance du jeune prodige de Jyväskylä dont le père avait triomphé ici en 1966.

En 1984, le maître d’œuvre du projet 205 Turbo 16, Jean Todt, fait appel au champion du monde 1981 pour mener à bien son objectif : le titre mondial !

Après trois victoires consécutives en fin de saison 84, la 205T16 est la nouvelle coqueluche du public et des médias Français. Début janvier 1985, alors que le monde du rallye est encore sous le choc de l’accident de Jean Luc Thérier au Paris-Dakar, les hauts – lieus du Monté Carlo s’apprêtent à recevoir le gratin du rallye mondial et un aréopage de légendes. Fort de 4 victoires avec 4 constructeurs différents, l’Allemand Walter Röhrl fait figure de favori avec l’Audi Quattro.

Durant les reconnaissances, Vatanen ne néglige rien. Le dernier jour, Ari et Terry calculent leur planning afin d’arriver à St-Nazaire-le-Désert pour la pause déjeuner. Ari adore ce petit village perdu, c’est là qu’il avait signé un authentique exploit en 79 et surtout, il sait que la propriétaire du petit restaurant de la bourgade Drômoise… fait de succulentes crêpes. Pas de chance, le restaurant est fermé ! Ari insiste et frappe à la porte, on se sait jamais…Une porte voisine s’ouvre, c’est la propriétaire de l’estaminet qui reconnaît le grand blond et invite l’équipage à venir manger à sa table. A Saint-Nazaire, le dessert fut copieux et la fin des reconnaissances s’avère un peu plus difficile que prévue…

Après un départ sous la Tour-Eiffel et sous le feu des projecteurs, les concurrents arrivent à Saint Etienne le samedi 26 janvier 1985. Le lendemain après midi, la caravane du rallye quitte la préfecture de la Loire en direction de Dunières en Haute-Loire. Seulement 2,2km de spéciale mais une grande première : le rallye est en direct à la TV. L’effet 205T16 ! Vatanen s’impose mais cela paraît anecdotique car la spéciale suivante est un juge de paix : Saint-Bonnet-le-Froid. Dans ce petit village, entre Velay et Vivarais, près de 40 000 personnes viennent admirer les monstrueuses GrB mais surtout La fameuse 205T16 de l’ange-blond. Ari est tendu, sur les parties verglacées en slicks, il ne parvient pas à se lâcher. Il fait 2 toupies sur la boucle et renverse des spectateurs (sans trop de gravité) sur l’arrivée. Il perd 18sec sur la Quattro de Röhrl qui s’empare du commandement. A l’heure du goûter, à Lalouvesc, l’Allemand régale. Ari a encore les images de St Bonnet sur l’estomac. Vatanen est profondément humain et il semble affecté psychologiquement. Dans les 37 km intégralement secs du Moulinon, c’est la 037 de Biasion qui réalise le scratch mais Vatanen y devance Röhrl…Un signe ? De nuit, le chrono de la Souche – Col du Pendu est dominé par le métronome Allemand qui conforte son leadership et termine cette étape avec 35sec d’avance sur celui que la France attend… Son messie !

Le lendemain matin, l’étape commune commence par un second passage au Col-du-Pendu. Cette fois, le pilote Peugeot opte pour les clous et reprend 6sec au pilote Audi. Mais à Burzet, Vatanen prend un second coup au moral. Il ne fait pas d’erreurs et avoue ne pas savoir aller plus vite…ce qui n’empêche pas le roi Walter de lui reprendre ses 6sec !

Pour Ari, la longue liaison qui suit jusqu’à la Motte-Chalançon est salvatrice. Il décide de ne pas céder à l’inquiétude et de ne plus faire de complexes face à son rival Allemand. Il va jouer son va-tout et c’est « mort de faim » que le pilote de la 205T16 N°2 se présente au départ de la spéciale qui arrive à Saint-Nazaire-le-Désert. On pense que les 23 km totalement secs de ce morceau de bravoure vont sourire aux Lancia. Toivonen signe en effet un excellent 15min43 mais en 15min35, Röhrl fait mieux et semble bien parti pour un 5ème succès en Principauté…Quand le chrono de Vatanen – Harryman s’affiche, une chape de plomb s’abat sur Team Audi. A Saint-Nazaire-le-Désert qu’il a avalé en 15min08, le pilote de Tuupovaara fait honneur à son nouveau statut et à la tenancière du restaurant. D’un coup d’un seul, l’étoile du Nord réduit l’écart de 27sec et revient à 8sec de la tête. La caravane de la course se dirige en direction du Vercors où la neige arrive, dit-on.

Le 53ème Monté Carlo va se vêtir d’un manteau féerique et la course va prendre une tournure aussi inattendue qu’historique…

A suivre…




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jmb17
jmb17
3 années il y a

Ceux qui ne connaissent pas, s’il y en a, regardez cette vidéo !
La Montée de Pikes Peak par ARI VATANEN en 405 Turbo 16 => Fabuleuse montée terre-cailloux en 1988.
Impressionnant et ça dure toute la montée : 10 mn 47s 22. Il avait pris le record à W Röhrl de l’année précédente sur son Audi Quattro.
Adrénaline au RDV. Superbe film à voir ou revoir

jpa
jpa
3 années il y a

Le Monté Carlo 1979 et la victoire de Darniche , je m’en souviens .
Dans la dernière nuit , Waldegard était en tête devant Darniche qui n’arrivait pas à le suivre .
Dans la spéciale Villars – Pont de clans , Waldegard trouve sur la route un rocher tombé de nulle part .
Waldegard s’arrête pour déplacer le rocher et perd de précieuses minutes et le rallye en même temps !
Ce fut une victoire plus que douteuse pour Darniche !