Personnage iconique du championnat de France Asphalte depuis une vingtaine d’années, Phillipe Soing a rangé son micro à l’issue du dernier rallye du Var. Sa voix, vite reconnaissable des podiums du championnat de France, aura marqué tous les amoureux et acteurs du rallye français.
Ces dernières semaines, ils ont d’ailleurs été nombreux à saluer cette “bible du rallye français”, et il était aussi évident pour nous de discuter de notre passion commune et de se rappeler des moments marquants de sa carrière.
D’où te vient cette passion pour le sport automobile ?
“J’étais très jeune quand j’ai commencé à m’y intéresser. Mon frère suivait ça de très près dans les années 60, et toutes les disciplines, plus spécialement les courses sur circuit. Je suis vite devenu fasciné également, et à 10/11 ans, je dévorais les magazines comme Autopoche et Moteurs. J’ai été ensuite biberonné à Échappement à partir de 68. Je mettais à chaque fois un peu de sous de côté pour me payer les revues. En 65, quand elle a gagné le Monte-Carlo, la Mini me faisait rêver et je n’avais qu’une envie, c’était de m’en payer une pour mes 18 ans et c’est ce que j’ai réussi à faire.
Pour citer une anecdote par rapport à cette époque, et alors que j’étais plutôt un bon élève à l’école, j’ai pris un week-end de colle, car j’ai été pris à lire un Echappement dans l’internat avec une lampe de poche !”
Et à partir de quand cette passion est devenue ton métier ?
“Pour mes débuts au micro, c’était en 1988 avec l’Autocross du Berry. Je ne connaissais rien de cette discipline et je me suis retrouvé à faire l’animation pour le week-end. Parmi les officiels, il y avait un organisateur de rallye qui cherchait un speaker qui était un poste assez rare dans le milieu à l’époque, et je suis parti commenter mon premier rallye par la suite.
Avant de travailler sur les rallyes, je travaillais au ministère de la Défense après plusieurs CAP autour de la mécanique générale. Entre 1988 et 2001, j’ai fait pas mal de disciplines comme le 2CV Cross, le slalom et la course de côte. Mon activité a vraiment changé en 2001 avec l’arrivée du trophée Citroën Saxo T4 où je suis devenu représentant de la marque. J’ai appris le professionnalisme de ce métier sur le terrain, et en plus du trophée, j’ai fait plusieurs salons du “Mondial de l’Auto” du côté de la compétition Citroën. J’ai également travaillé sur le challenge Citroën C2. Quelques années plus tard, en 2005, je me suis retrouvé à plein temps sur le championnat de France des rallyes asphalte.”
Et pourquoi as-tu décidé d’arrêter en cette fin de saison ?
“C’est la fin pour le championnat de France, mais je vais encore faire quelques épreuves de coeur comme l’Indre ou l’Automne en cette fin d’année. J’arrête, car je n’ai plus forcément la même envie sur les podiums. C’est difficile d’accueillir une centaine de concurrents sur chaque rallye et d’avoir toujours quelques mots à dire pour chacun d’eux. Pour les équipages qui ont un objectif à l’arrivée, ce n’est pas un problème, tu arrives toujours à dire quelque chose. Pour un pilote qui veut “juste” s’amuser, tu peux tomber sur quelqu’un qui n’a tout simplement pas envie de parler et ce n’est pas évident. Je respecte évidemment tous les concurrents, chacun a la même valeur sur un rallye. Quel que soit leur origine et leur objectif, je rencontre à chaque fois des gens très agréables.
La deuxième raison est de toute façon mon âge, car je m’étais toujours dit que je n’allais pas continuer après 70 ans. Il était temps de partir. J’ai toujours été contre les vieux qui bloquent les jeunes. En plus, la relève est fantastique avec Pierre Barré par exemple qui est un niveau au-dessus. Je pense aussi à Martin Grenier qui est un peu dans mon style et qui fait également du très bon boulot. Aussi Vincent Dougados ou encore Steeve Marty, et il y en a plein d’autres.
Personne n’est irremplaçable et quand je pense à des gars comme Foucault et Drucker, ça n’a pour moi aucun sens de continuer à travailler comme ça. Il y a un moment où il faut prendre sa retraite.”
As-tu des conseils à donner pour tes futurs remplaçants ?
“Je n’ai pas vraiment de conseils à donner, ni besoin. Certains se sont inspirés un peu de ce que je pouvais faire de bien. Pour l’année prochaine, je crois que Pierre va prendre ma place sur certains moments comme la conférence de presse ou le podium d’arrivée. Pour le reste, les organisateurs devraient plutôt faire appel à des locaux.”
En 20 ans de championnat de France, as-tu manqué certaines manches ?
“J’en ai loupé quatre en 20 ans lors de la saison 2008 où je suis allé en Ukraine pour adopter ma fille. J’avais loupé le Limousin, Rouergue, Automne et Touquet. Ce sont les seuls !”
Quels sont les moments qui t’ont le plus marqué dans ta carrière ?
“Les moments graves m’ont davantage marqué. Je pense tout de suite au décès de Frédéric Comte au Mont-Blanc qui m’a considérablement touché. Il y a des décès qui font vraiment mal.”
Et pour des moments plus positifs ?
“C’est difficile à dire, car j’ai eu tellement de bons moments ! Ça a démarré avec l’évolution de jeunes comme Nicolas Bernardi (2005) et Nicolas Vouilloz (2006). Plus récemment, la catégorie R5/Rally2 a changé la donne dans ce championnat. J’admire un gars comme Yoann Bonato que j’ai quand même accueilli 35 fois en tant que vainqueur d’une manche du championnat de France, c’est incroyable ! Ils forment un duo exceptionnel avec Benjamin Boulloud. La concurrence est vraiment très forte depuis plusieurs années, et il y a toujours des pilotes plus jeunes contre lui. Il continue de s’accrocher tout le temps, il n’a aucun répit et c’est un grand bonhomme.”
“En revenant en arrière, j’ai aussi évidemment en tête Sébastien Ogier avec Rallye Jeunes et le volant Peugeot ensuite. Il est passé comme une météorite avec une ascension hyper rapide. J’ai pu côtoyer évidemment Sébastien Loeb alors que c’était loin d’être gagné au début de sa carrière. Il avait un talent incroyable, mais il a longtemps lutté pour avoir un vrai programme et il fallait trouver une aide financière. Je me rappelle de lui au Terre d’Auxerrois en Saxo KC pour son premier rallye terre (2000). Il faisait quelque chose d’incroyable. Sur certains secteurs, il était plus rapide que les WRC et il était impressionnant à regarder. Je me rappelle aussi de lui au Var 2000 où c’était extrêmement piégeux sous la pluie, et où Guy Fréquelin lui avait dit que s’il battait Serge Jordan sous la pluie, il mériterait une place en WRC. À l’époque, Martin et Solberg étaient déjà en WRC et il s’inquiétait de son manque d’expérience par rapport à eux.
J’ai pris énormément de plaisir aussi à côtoyer des pilotes comme Robert, Nantet, Rouillard, Guigou, Mauffrey et plein d’autres. Ils ont tous de grandes qualités. Certains auraient pu avoir une très belle carrière comme Alexandre Bengué qui est tombé dans la mauvaise période alors que Loeb était en pleine ascension.”
“Dernièrement, j’ai pu suivre aussi la carrière d’Adrien Fourmaux qui touche au but en rejoignant une vraie équipe, sans être méchant avec M-Sport et tout l’énorme travail réalisé par Malcolm Wilson. Tout de suite, et dès son premier Touquet, tout le monde avait compris que c’était une personne très douée. Il avait le talent et j’en avais fait l’éloge sur le podium, mais il manquait quelque chose. Il a été beaucoup accompagné par un coach et il fait maintenant partie des meilleurs pilotes du monde.
En championnat de France, j’ai vécu plein de bons moments et c’était toujours un bonheur d’animer les podiums et de faire de belles rencontres.”
En plus de tous ces pilotes qui ont roulé à très haut niveau, et avec des voitures fantastiques, un autre pilote t’as particulièrement marqué.
“C’est Ludovic Jeudy. C’est un type incroyable qui fait tout lui-même et a deux métiers pour parvenir à s’engager sur les rallyes avec également quelques partenaires. Au début, il était assez contre la FFSA et tout ça, et il est devenu un amoureux dingue du championnat de France. C’était un vrai amoureux du rallye, il est vraiment extraordinaire. Au Var, il a été l’un des nombreux pilotes à venir me voir pour me féliciter de mon travail. Je me rappelle d’un Charbo où il avait gagné le trophée amateur. Canal+ voulait l’avoir sur son plateau pour “Rallye Club” et il n’en revenait pas.”
Outre le championnat de France, tu as également goûté au championnat du monde des rallyes.
“Mon summum aura été de travailler avec Philippe Soulet sur les rallyes de France, d’abord en Alsace, puis au Tour de Corse entre 2011 et 2019. Dans ces situations là, tu n’as vraiment pas envie de te louper et en plus, tout est filmé. C’était un grand moment pour moi. Je n’aurais jamais pu rencontrer un gars comme Ken Block par exemple. Les podiums étaient souvent grandioses comme à Bastia, tout comme les cérémonies.”
Au-delà des concurrents que tu as pu croiser sur chaque rallye, tu as eu aussi pu rencontrer certaines de tes anciennes idoles.
“En plus des pilotes qui roulaient, j’ai pu aussi rencontrer mes anciennes idoles comme Saby, Ragnotti, Fréquelin ou Vatanen, mais également des pilotes d’autres disciplines qui ont touché à beaucoup de choses comme Gérard Larrousse.
Dans l’environnement du rallye au général, j’ai aussi croisé de nombreux photographes et journalistes que je considérais comme des stars au même titre que les pilotes. Des gars comme Eric Briquet, Frédéric Billet ou Pascal Huit ont pu aussi me faire rêver.”
Est-ce que tu as prévu de revenir sur quelques épreuves du championnat ?
“J’irais certainement sur quelques rallyes en tant que spectateur. Mais aussi pour faire quelques prestations comme le rallye d’Automne, car j’adore ce département, et il y a une ambiance toujours sympa sur ce rallye. Et je vais évidemment continuer à suivre les actualités du rallye.”
Bravo et bonne continuation
Bravo un très grand bonhomme !!