Que sont-ils devenus ? #23- Nicolas Bernardi



Avec une saison actuelle à l’arrêt, le moment est idéal pour s’intéresser à ceux qui vous ont émerveillé dans les années 2000, avec de jeunes pilotes aux dents longues mais aussi des pilotes aguerris, prêts à se dépouiller sur les routes des championnats de France asphalte et terre.

Encore plus qu’aujourd’hui, les formules de promotion étaient d’une densité folle avec des plateaux dépassant parfois la trentaine de concurrents au départ, tous prêts à se battre pour le moindre dixième. Parmi eux, certains ont atteint la gloire, avant de disparaître peu à peu des radars des rallyes et du public.

Ancien pilote officiel Peugeot et Suzki, mais aussi ancien champion de France des rallyes Asphalte, Nicolas Bernardi est le vingt-troisième pilote à répondre à notre invitation pour cette rubrique : “Que sont-ils devenus” ? 

Faits marquants en carrière

2007Pilote officiel Suzuki (Suzuki SX4 WRC)
2005Champion de France asphalte (Peugeot 206 WRC)
2004Vice-champion JWRC (Renault Clio S1600)
2000Vainqueur Volant Peugeot (Peugeot 106 S16 A6)
1996Début en rallye (Peugeot 106 Rallye N1)
1995 Vainqueur Rallye Jeunes

Quelle est ton activité aujourd’hui ?

“Après ma carrière en rallye, j’ai décroché mon diplôme d’entraîneur. J’ai ouvert ensuite une école de pilotage sur le circuit de Saint-Brès que j’ai fermé il y 4-5 ans pour me consacrer pleinement à mes activités avec la FFSA et l’Equipe de France. Avec mon activité de coaching où je me suis par exemple occupé d’Eric Camilli, la FFSA s’est rapprochée de moi, d’abord pour me proposer de devenir directeur sportif de Rallye Jeunes en 2011 puis pour être responsable principal de l’Equipe de France et de Rallyes Jeunes depuis 2015.

Avec les jeunes, on va justement reprendre au mois de juillet avec un stage de reprise d’une semaine, très probablement en altitude, comparable à celui du début d’année avec du travail foncier principalement. Les 3 équipages de l’Equipe de France et ceux de Rallye Jeunes seront présents. Le but sera aussi de redonner confiance à chacun après peut-être le désengagement de certains partenaires à cause du COVID-19.

De mon côté, je vais reprendre le chemin des rallyes et des essais pour suivre le maximum de pilotes possible.

Outre ce travail, j’aime bien pratiquer le vélo avec 4-5 sorties par semaine et profiter de ma vie de famille bien sûr.

A quel moment as-tu senti que ta carrière était sur le point de se terminer ?

“En fait, je n’ai jamais vraiment senti quand c’était cuit. J’ai à chaque fois passé des Noël atroces avec des programmes qui étaient encore loin d’être finalisés, cela ne tenait toujours qu’à un fil. C’est à force de travail que j’ai trouvé des solutions. Je me rappelle de la sélection Ford où je décroche un programme à la dernière minute parmi une vingtaine de jeunes pilotes. Cela s’est toujours un peu fait à la dernière minute.

En 2005, j’avais le vent en poupe. Je gagne le championnat de France des rallyes asphalte et je participe à trois épreuves du championnat du monde en WRC. Malheureusement, j’ai eu pas mal de problèmes. En Corse, je perds 3 minutes le premier jour à cause de problèmes de boîte. En Espagne, j’étais un peu le pilote “test” pour les pneus, et même s’il y avait 10% de chance que cela marche, je devais prendre des pneus “risqués”. Le premier jour, je pars en pneus pluie sur un terrain totalement sec, et sur la 2e étape en pneus durs sur la pluie alors que j’étais en position de revenir sur le podium. Et pour la dernière étape, je termine en mode routier à cause d’un problème de culasse. Malgré tout ça, on termine 6e.

En fin d’année, je devais signer un contrat avec Mitsubishi pour la saison d’après mais le soir du rallye du Var, ils m’appellent pour me prévenir que la prochaine réunion prévue pour la signature est annulée. Mitsubishi abandonne le WRC et privilégie le rallye-raid. Ensuite, j’ai aussi été proche de Skoda mais le partenariat avec Red Bull posait problème puisque la marque était interdite en France à l’époque.

Enfin, Peugeot me propose dix rallyes en WRC avec la 307 WRC et un soutien de la FFSA malgré leur départ du championnat du monde. Mais à un moment donné, il y a eu un désaccord entre les deux parties. Donc dans la même période pendant cette inter-saison, tout s’est annulé.

L’année d’après, j’ai roulé avec Oreca sur une Porsche à une reprise, mais j’ai quand même pas roulé cette année là avec beaucoup de développement sur la Clio R3 et la SX4 WRC. Avec cette dernière, j’ai participé à une seule course mais cela a été un bide. Les deux moteurs prévus pour le rallye ont cassé après 5 kilomètres en déverminage. J’ai alors roulé avec un vieux moteur utilisé en essais et j’ai appris après la course que j’avais au minimum 50 cv de moins que d’habitude. Je devais continuer avec un programme sur cette voiture mais Gardemeister est arrivé pour récupérer le volant grâce à un budget personnel.

J’ai toujours un peu d’amertume vis à vis de tout ça. Et même si je n’aurais peut-être pas pu devenir champion du monde, je pouvais espérer faire une carrière plus longue.”

As-tu eu des opportunités de revenir ?

“J’en ai eu oui, mais si je dois rouler de nouveau, je veux être préparer comme il faut. Les deux fois où j’ai roulé avec la S2000 étaient trop limites en arrivant la veille sans me préparer. Je n’aime pas rouler dans ces conditions. Je suis encore un peu trop compétiteur pour rouler en historique même si c’est assez intéressant. Les voitures ont moins d’adhérence que les voitures moderne et sont pour la plupart des propulsions. Il y a bien moyen de s’amuser avec.”

Quel a été le meilleur moment de ta carrière ?

“J’ai tout de suite 2-3 spéciales qui me viennent à l’esprit. Le Sanremo 2003 avec la Clio alors que je n’avais pas piloté depuis 8 mois. Au deuxième passage d’une spéciale de 52 km, j’arrive au cul de Wilks en fin de spéciale qui partait 4 minutes devant moi. Je le double et signe le scratch avec plus de trente secondes devant Jean-Joseph sur l’autre Clio. C’était une belle satisfaction de battre des gars qui étaient affutés à mort.

En Catalogne 2005, je vois que je suis en tête des intermédiaires avec la Peugeot 307 WRC dans une spéciale. Malheureusement, je rencontre des problèmes de freins à 5 km de l’arrivée et je dois me contenter du 3e ou 4e temps.

Enfin sur le Monte-Carlo 2004, c’est un moment plus émotionnel que sportif. Au départ d’une spéciale, le maire de mon village et le chef des pompiers (j’ai été pompier pendant 15 ans), me donnent le départ après s’être arrangés avec l’ACM. J’en avais les larmes aux yeux.”

Quelle a été la voiture préférée dans ta carrière ?

“J’ai connu une très belle année avec la Renault Clio S1600. J’ai roulé quasiment tous les 15 jours avec entre les rallyes et les essais. C’est une voiture virile et fantastique. C’est mon premier choix.

La Peugeot 307 WRC est aussi une superbe voiture. J’ai fait tout le développement sur asphalte pendant une demi-saison. La puissance était impressionnante.

Enfin, j’ai pu goûter aussi à la catégorie R5. Il n’y a pas beaucoup de couple par rapport à une WRC. Mais en terme de performances, cela n’est pas très loin des WRC 2015. Le chassis est fabuleux. Avec une boîte 6 et plus de couple, on aurait la possibilité de faire une catégorie WRC plus abordable et ainsi avoir plus de constructeurs.”

Quel(le) copilote t’as le plus marqué ? 

“Je vais en citer trois. D’abord Jean-Marc Fortin qui m’a apporté beaucoup sur le plan relationnel. C’était un communicant qui connaissait bien le milieu et m’apportait une belle sérénité dans la voiture.

Avec Denis Giraudet, je n’ai fait qu’un seul rallye mais j’ai été impressionné, simplement par son expérience. Il a un sang froid incroyable. Il m’a demandé de ralentir à certains moments…et cela me permettrait d’être plus rapide, c’était assez incroyable.

Enfin Bruno Brissart, il m’a envoyé les notes comme jamais. Pour exemple, dans une spéciale dans le brouillard, je pouvais lire parfaitement le route et on avait doublé Mark Higgins qui n’avait pourtant pas eu de problème.”

Si tu devais refaire un rallye aujourd’hui ? Ce serait lequel et avec quelle voiture ? (Budget illimité)

“Une WRC moderne forcément avec la Ford Fiesta de chez M-Sport ! Et sur le Monte-Carlo chez moi.”

Que penses-tu globalement du rallye français aujourd’hui, du championnat asphalte avec les R5 mais aussi des formules de promotion ?

“Nous avons je pense le plus beau championnat national. Il y a beaucoup de pilotes compétitifs, on peut le voir ensuite sur les manches du mondial en R5. La bagarre est toujours intense et nous avons une grande diversité des épreuves entre des Touquet, Var, Antibes ou encore Cévennes. C’est vraiment formateur pour les jeunes pilotes.

Et même si j’y travaille, je veux dire que c’est un beau travail effectué par la FFSA. Au début, certains reprochaient l’interdiction des WRC pour le classement du championnat, mais finalement, ils ont eu raison. Je retrouve un peu l’époque des S1600 qui s’était arrêtée sans trop savoir pourquoi.

En ce qui concerne les formules de promotion, je suis l’initiateur du programme M-Sport avec Junior. Bien évidemment, on essaie de réfléchir à limiter les budgets pour avoir des voitures autour de 40 000 et 45 000 € et des locations à 8 000 € par rallye. Par rapport à mon équipe et ce que j’ai pu lire à travers les autres interviews, il faut quand même avoir conscience que tout a augmenté : le prix des pneus (x2), la voiture de base commercialisée par le constructeur (x2) ou encore le prix de l’assurance (x5). Le choix du team est également important. Avant, on pouvait se pointer avec un C15 mais aujourd’hui, tout le monde cherche à proposer quelque chose de professionnel. Nous sommes dans un système actuellement géré par les constructeurs qui veulent logiquement faire fonctionner leur boutique. 

Pour un souci de formation, je trouve qu’une Peugeot 106 avec une boîte en H est moins formateur que la voiture proposée aujourd’hui. D’ailleurs, le R2J a convaincu la FIA qui a pris les bases de cette réglementation pour proposer le Rally5. Un moteur d’origine avec une transmission et des suspensions de qualité pour tenir les chocs (contrairement à des DS3 R1 utilisées en championnat de France à l’époque), et sans vraiment offrir la possibilité d’améliorer ses performances en effectuant des essais grâce à des réglages limités.

La 208 Rally Cup est top mais ce n’est pas la même cible, même s’ils essaient de ratisser large. On travaille pour trouver des solutions, et au niveau des voitures, comme j’ai pu l’expliquer, ce n’est pas possible.

Donc la question est comment faire rouler des gens avec un petit budget provenant par exemple d’autres disciplines comme l’auto-cross avec des coûts inférieurs ? Par Rallye Jeunes bien sûr mais peut-être par d’autres moyens sur des petites épreuves, c’est à réfléchir.

Du côté du championnat de France Junior, nous allons terminer le cycle avec M-Sport en fin de saison prochaine. De nombreux constructeurs sont intéressés et les les français auront le privilège. Mais il faut se rappeler que sans M-Sport, nous n’aurions pas pu relancer Rallye Jeunes.

De mon côté, je n’aurais probablement pas pu rouler sans Rallye Jeunes. Avec 20€, vous avez la possibilité de gagner un volant en championnat de France, c’est quand même une superbe opportunité.”




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Tom06
3 années il y a

On revient toujours à la même conclusion, si Nico avait eu un budget il aurait rouler beaucoup plus en wrc parce qu’il avait sa place c’est sur. En 2004 il fini vice champion du monde juste derrière un Jari Matti… Enfin que de beaux souvenirs de l’avoir suivi toutes ces années à se battre contre les morel tirabassi Robert magaud et bien d’autre… Merci rs pour ce bel article

jpa
jpa
3 années il y a

Je me souviens au rallye terre du diois , il se battait avec Fabrice Morel pour le volant Peugeot . Dans une descente avec des grandes courbes, il était à fond de 5, la 106 volait presque ! Tous les spectateurs avaient les mains sur la tête et se demandaient comment il avait pu passer . Fabrice Morel roulait de la même manière. Ils se battaient à coup de dixièmes ! Dans le deuxième passage , Bernardi était un ton en dessous car il avait dépassé Morel qui était sorti .( Il avait ouvert le train avant de la 106… Lire la suite »