RAC 1994 : Auriol à bout de souffle



Continuons notre rétrospective des meilleurs moments du rallye international avec un retour sur le RAC 1994, épreuve où Didier Auriol remporta le titre mondial, le premier d’un pilote français.

En cette saison 1994, deux hommes peuvent encore jouer le titre au départ du RAC, dernière  manche du championnat : Didier Auriol (110 points), pilote Toyota et Carlos Sainz (99 points), pilote Subaru.

Au cours de la saison, le français a été bien plus tranchant (3 victoires), contre seulement une pour l’espagnol, toujours très régulier. Au départ du RAC, le pilote Subaru sait que ses chances de titre sont faibles mais si le français est hors du top 4, une victoire lui “suffirait”. En cas de deuxième place, le Matador devra prier pour que le tricolore termine hors du top 7. Une troisième place pourrait également être suffisante…si Auriol ne marque rien.

Sur la très courte première étape de 46,61 km, Carlos Sainz répond parfaitement à l’immense enjeu de cette épreuve, seulement devancé par Colin McRae, son co-équipier, leader pour 11s. Avec sa Toyota, Juha Kannkunen est au troisième rang à vingt secondes, alors que derrière, la concurrence est bien là.

Pour Didier, les débuts sont calamiteux avec un retard de près de cinq minutes ! Bien parti après deux spéciales (3e provisoire), le français va plonger dans la spéciale de Chatsworth, perdant plus de quatre minutes en seulement 10 km ! Le pilote Toyota a en fait parcouru cinq kilomètres sur seulement trois roues…suite à une touchette liée à une petite erreur de son compagnon de droite, Bernard Ocelli.

Le 21 novembre 1994 au matin à Chester,  Auriol est déjà condamné à l’exploit, surtout si Sainz continue sur son rythme effréné. Mais pour le français, tout va de mal en pis avec une Toyota en difficulté. Victime d’un problème de turbo-compresseur, le natif de Montpellier perd cette fois plus de dix minutes. Pour Sainz, tout va parfaitement avec une troisième place provisoire, position suffisante pour rafler la mise dimanche.

Dans la fameuse spéciale 13, Auriol va continuer son chemin de croix et se retrouve à plus de vingt minutes de la tête du général. La situation est alors critique et le français n’est clairement plus maître de son destin. Deux espoirs subsistent encore : celui de voir Sainz connaître des soucis sur son Impreza ou d’effectuer une remontée très hypothétique vers le top 8, voire mieux.

Au soir de la deuxième journée, l’espagnol est solidement accroché au podium, une minute derrière son funambule de coéquipier Colin McRae, mais devant Juha Kankkunen. Auriol est lui un anonyme 17e au scratch.

Le lendemain matin, Auriol est encore hors de forme, mais qui peut le blâmer ? Relégué à des années lumières de la tête, le français est évidemment dans une situation peu avantageuse. Pour son rival Sainz, la journée a été idyllique avec une régularité d’enfer, agrémentée de deux scratchs. A la veille de la dernière journée, le pilote Subaru ne pouvait pas rêver mieux. Devant lui, son coéquipier McRae est toujours royal.

Malgré des performances toujours en-deçà, Auriol est parvenu à grimper dans le top 10 provisoire…mais à douze minutes d’une septième place qui pourrait lui permettre d’être titré. A huit secondes, Mäkinen est clairement prenable avec sa modeste Nissan. Reste une solution tactique avec un Kankkunen (alors 3e) se plaçant derrière Auriol…Subaru pouvant répondre à cette manoeuvre en effectuant la même chose entre McRae et Sainz. Pas simple mais largement faisable !

Dimanche matin, Sainz est à sept spéciales du titre, soit 110,06 km et tout semble parfaitement aligné pour l’espagnol et son équipe Subaru. Dans le premier chrono du jour, Pantperthog, Sainz signe encore un chrono remarquable et compte alors près de deux minutes de retard sur McRae mais surtout une sur Kankku’.

Dans la 24, l’espagnol va commettre l’irréparable alors que tout était encore sous contrôle. Au beau milieu de la forêt galloise, Sainz vient de signer l’une de ses erreurs les plus regrettables de sa carrière. L’histoire ne saura jamais si Toyota allait bien appliquer une tactique en faveur d’Auriol et si Subaru allait faire de même pour Sainz…Demander à Colin McRae de freiner, à domicile de surcroît, semblait bien trop difficile pour David Richards, alors aux commandes de l’équipe Subaru.

Pour Auriol, très loin du compte depuis le départ, cette nouvelle est évidemment un choc : “J’ai su en écoutant la radio, juste avant le départ de la spéciale, que Carlos était sorti. Bernard m’a dit que nous étions champions du monde, je ne voulais pas le croire, mais nous avions bien entendu. Ensuite, j’ai eu du mal à me concentrer. J’ai conduit très mal, et je suis même sorti de la route. Ça y est, je suis le premier Français champion du monde. C’est dur pour Sainz, mais j’ai déjà vécu ça. Maintenant, je suis tout sourire, mais il y a peu j’avais la larme à l’oeil.”

Anonyme sixième à l’arrivée de ce RAC…à plus de 30 minutes du vainqueur McRae, Didier Auriol devient le premier pilote français à inscrire son nom au palmarès du championnat du monde des rallyes. Dans le passé, Guy Fréquelin (Talbot Lotus) en 1981, Michèle Mouton (Audi Quattro) en 1982, François Delecour (Ford Escort Cosworth) en 1993 et Didier Auriol (Lancia Delta) en 1990 avaient raté de peu le titre mondial.

Champion d’Europe, Bernard Darniche salue évidemment les prouesses de Didier : “Ce titre est un grand moment du sport automobile. Le rallye, la vitesse sur la route, est à l’origine de toutes les compétitions auto. Pour nous tous, Latins réputés uniquement sur asphalte, ce titre nous manquait. Didier Auriol est actuellement le meilleur pilote du monde et sa victoire est amplement méritée.”




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STRATOS38170
STRATOS38170
3 années il y a

Merci pour cet article !
Quel pilotage .Un titre amplement mérité .Souvenez vous que chez LANCIA, il aurait mérité aussi un titre mais LANCIA en a décidé autrement …..cela a été pitoyable car cette année il en avait gagné un paquet de rallyes !!!
Quelle attaque avec la r5Turbo !
Je me souviens aussi de sa fabuleuse remontée sur delecour au MONTE-CARLO avec la CELICA et d ‘une grosse attaque dans la descente du col des GARCINETS avec les spectateurs en folie.
Vous aurez compris que j ‘ai toujours été un grand fan de DIDIER ……

Perceval42
Perceval42
3 années il y a

Bel article, j’ai eu un instant l’impression d’être dans le même talus que toi et certainement avec la même anisette…