Les étoiles du Monté Carlo : Tommi Mäkinen « le Samouraï Finlandais »



Depuis les années 60, le rallye mondial fut par vagues successives envahi par des hordes de pilotes venant du froid, les fameux finlandais volants ou « Flying Finns ».

Non loin du cercle polaire, territoire septentrional entourée d’eau, la Finlande et ses immenses forêts est peuplée de fiers habitants qui, sous des apparences flegmatiques, sont animés par un courage légendaire, le fameux « sisu ».

Dans la région de Jyväskylä, ce pays des lacs au relief tourmenté et chaotique façonné par la fonte des glaciers, le paysage tourmenté est un véritable labyrinthe de pistes forestières. Larges, rapides, bordés de feuillus et de conifères, les chemins finlandais, truffés d’énormes et d’innombrables bosses, donnent l’impression à leurs utilisateurs d’évoluer en permanence dans un décor en 3 dimensions, entre terre et ciel. Au cours des années qui suivent la seconde guerre mondiale, ce réseau routier singulier devient un terrain de jeu grandeur nature pour les apprentis pilotes qui désirent se mettre au défi et comparer leur fameux « sisu ». Ces premières stars de la glisse vont inexorablement influencer les prochaines générations.

En 1951, le premier Rallye des 1000 Lacs voit le jour. Il deviendra, avec le Monté Carlo, le rallye que chaque champion espère un jour remporter. Les difficiles et effrayantes pistes nordiques deviendront rapidement la chasse gardée des meilleurs pilotes locaux qui vont bientôt exporter leurs talents et leur science de la glisse. C’est aussi sur ce « juge de paix » que les teams – managers du monde entier viendront recruter quelques célèbres guerriers.

Le premier Flying Finn se nomme Timo Mäkinen. Son style, acquis au cours de longs entrainements sur terre et neige, est fait de grandes glisses, de freinage grâce à la technique d’appel-contre- appel, d’anticipation et du fameux talon-pointe. L’équilibriste finlandais va faire plus qu’inspirer les générations futures : il invente une nouvelle façon de piloter et de glisser. Le point d’orgue de la carrière du bucheron d’Helsinki sera 1965 quand il impose sa Mini Cooper S à Monté Carlo !

Quatorze ans plus tard, le championnat du monde « pilote » est créé. Depuis, les finlandais ont accumulé les titres, du premier de Vatanen en 1981 à Grönholm en 2000 et 2002 en passant par Mikkola, Salonen, Kankkunen… Les plus titrés de ces maîtres de la glisse remportèrent 4 titres mondiaux chacun : Juha Kankkunen et un certain Tommi Mäkinen qui, s’il n’est pas un homonyme de Timo en est bien le digne successeur.

Né en 1964 à Puuppola au milieu des lacs et des bois, Tommi apprend à conduire puis à piloter très jeune comme tout bon finnois qui se respecte. En 1985, il débute sur une Ford RS 2000. L’ouvrier forestier démontre rapidement un talent évident mais il abandonne trois saisons de suite (87, 88 et 89) lors de l’épreuve phare, les 1000 Lacs. Et à chaque fois au volant d’une Lancia Intégrale. Néanmoins, en 1989 il se fait remarquer loin de ses forêts en imposant sa Delta HF lors du Conca d’Oro en Italie…

1990. L’espoir finlandais s’engage dans une campagne mondiale en Coupe FIA GrN avec une Mitsubishi Galant VR4. C’est la révélation de l’année ! Il rencontre parfois la petite R5 GT d’un certain Alain Oreille qui décroche la Coupe. Cette saison là, Tommi tisse des liens indéfectibles avec la firme aux diamants et avec l’Empire du Soleil Levant.

En 91, le jeune Mäkinen court peu mais se fait remarquer chez lui lors des 1000 Lacs en décrochant la 5ème place au volant d’une Mazda 323. Au début des années 90, la mode des finlandais volants s’essouffle un peu, les latins débarquent et s’imposent, à l’image d’Auriol et Sainz. Au contraire de ses prédécesseurs comme Henri Toivonen, la carrière de Mäkinen a du mal à décoller ; un comble pour un finlandais volant ; et c’est à l’homme d’affaire Timo Jouhki que Tommi doit son salut. Le nouveau Flying Finn trouve refuge chez Nissan pour faire quelques épreuves mondiales en 1992 au volant de la peu véloce Sunny GTI-R.

Pour entamer cette nouvelle campagne, Mäkinen débarque à Monté Carlo avec des ambitions réalistes mais une rage au ventre évidente. Un engagement et une volonté hors du commun animent le « rouleau compresseur » Finlandais. Un quart de siècle plus tard, c’est toujours le cas non ? L’homme est peu loquace, il est souvent en conflit avec ses équipiers car il désire tout contrôler, tout décider, il veut être Le leader et que l’équipe se plie à ses doléances. Mais Tommi est animé par le feu sacré, il possède un car – control impressionnant et sa reconnaissance tardive le transcende ! C’est un pilote déterminé, sans états d’âmes, il ne fait confiance qu’à lui même et semble imperméable à la pression. C’est un infatigable travailleur qui possède une force physique et mentale impressionnante. Tommi est obstiné et ne capitule pas…Et ça paye !

Un peu à l’image de Colin Mc Rae, Mäkinen recherche absolument à parcourir le moins de distance possible. Son style ne « fait pas dans la dentelle » : il élargit la route partout et rogne les cordes parfois au-delà des limites du raisonnable. Il coupe, plonge, défriche… Mäkinen c’est le « Flying Forester » ! Comme Colin, Tommi est animé par une seule obsession : rester à fond le plus longtemps possible. La seconde place lui est insupportable, il veut vaincre. Néanmoins, en dépit de cette attaque de tous les instants, l’homme de Puuppola est rusé, instinctif, intelligent et devient, sur les routes du Monté Carlo et ailleurs une véritable machine à gagner. Il a rapidement compris que pour vaincre sur asphalte, il fallait adopter un pilotage plus typé circuit, plus fluide. Tout en conservant son agressivité et une attaque permanente, Tommi va ainsi progressivement plus enrouler les cordes que les couper. Il est capable de gagner sur les routes du Monté Carlo ou sur les pistes de son toboggan Finlandais, sur la neige suédoise ou l’asphalte italien. Il devient à son tour la référence… comme Timo.

Au cours du Monté Carlo 1992, ainsi que son équipier François Chatriot chez Nissan, Tommi évolue loin d’Auriol, Sainz et Cie mais il apprend vite et finit « sagement » à la 9ème place. Et puis, à le ferme de Bourlatier dans Burzet, sur ce plateau lunaire totalement glacé que le Finlandais découvre alors, j’ai pu découvrir et admirer le pilote de la Sunny GTI déboulant à fond de 6 et inscrire de façon autoritaire sa monture à la corde du droite puis de maitriser une impressionnante glisse en frôlant les piquets. Brrrr…Sacré courage !

La Nissan ne lui permet pas de particulièrement briller lors de cette saison mais les observateurs les plus avisés remarquèrent tout de même qu’avant son abandon aux 1000 Lacs, Tommi avait posé une véritable valise à tout le monde dans l’ultra rapide Valkola, à 127 km/h de moyenne…Quand il s’agit de rester à fond !

En 93, il ne dispose que d’un mini programme au volant d’une Lancia du team Astra et le « phénomène Mäkinen » serait peut être passé aux oubliettes sans une époustouflante prestation aux 1000 Lacs où il décroche la 4ème Place ! Avec une auto privée manquant un peu de performance, Tommi réalise le 3ème temps dans Ouninpohja à 9sec de la Celica du vainqueur Kankkunen puis réussi 3 scratchs devant KKK, Vatanen et Auriol…Un signe !

1994 débute avec Nissan, laborieusement. Puis Ford fait appel au bucheron finlandais pour participer aux 1000 Lacs au volant d’une Escort officielle afin de remplacer François Delecour accidenté. Résultat : une première victoire mondiale ! Dés lors, plus rien ni personne n’arrêtera Mäkinen !

En 1995, Tommi se retrouve pilote officiel Mitsubishi Ralliart et possède, enfin, toutes les cartes en main pour montrer de quel bois il se chauffe ! Le finlandais remet les roues sur les routes du Monté Carlo et effectue une superbe prestation, surtout sur la neige et le verglas. Alors que le patron du rallye est indiscutablement François Delecour, la Ford de ce dernier connait quelques soucis qui permettent à Sainz et Subaru de souffler la victoire au français. Quand François réussit quelques chronos d’anthologie dans St Michel les Portes ou Rosans, c’est Tommi Mäkinen qui réalise les 2ème temps…Le podium semble accessible pour le finnois mais il doit se contenter de la 4ème place suite à des problèmes mécaniques.

Un peu plus tard dans la saison, Tommi va à nouveau épingler les 1000 Lacs à son palmarès. Le Monté Carlo n’est pas au calendrier mondial en 1996 mais Mäkinen, au volant d’une Lancer Evo 3 survole la saison : victoire en Suède, au Kenya, en Argentine, aux 1000 Lacs, en Australie. Il devient à 32 ans, champion du monde des rallyes !

1997, le pilote Mitsubishi retrouve Monaco et débute cette 65ème édition avec de grandes ambitions. Sur un terrain très piégeux, il finit par craquer et laisse la Subaru d’un étonnant et excellent Piero Liatti s’imposer. Tommi finit 3ème derrière la Ford de Sainz. Il domine ensuite toute la saison et décroche un nouveau titre. Lors de ce Monté Carlo 97, signalons l’exploit du jeune stéphanois Cédric Robert qui mate tous ses petits camarades européens en Fiat Cinquecento et signe des temps exceptionnels, notamment un chrono d’anthologie dans Sigoyer, de nuit. Il domine même un certain Gigi Galli…

En janvier 1998, sur une Lancer Evolution 4 parfaitement à sa main, Tommi Mäkinen prend le départ de la 66ème édition du Monté Carlo avec la ferme intention de frapper d’emblée ! Et ça part fort, très fort… Sur le verglas de Savoyons, Tommi tente le tout pour le tout et, en 27 Km, pose 44sec8 à Liatti, 46 à Sainz…Après cinq chronos, il possède déjà plus d’une minute d’avance sur l’Espagnol. Il n’empêche, le Samouraï de la marque aux trois diamants décide malgré tout d’enfoncer le sabre dans le chrono suivant où il se fait… hara-kiri. Sortie définitive ! Excès de confiance ? Péché d’orgueil ? Sainz remporte le rallye mais Tommi reviendra et la prochaine fois, le soldat ne commettra pas d’erreurs !

Avec un 3ème titre de champion du monde en poche, le palmarès de Tommi Mäkinen est désormais plus que respectable mais il y a encore une case vide, un triomphe sans lequel il ne peut prétendre être, tout à fait, un seigneur de la route, une légende du rallye comme le fut Timo Mäkinen … Le Monté Carlo, c’est l’ambition suprême, le graal ! Au départ de l’édition 99 et de ses 425 km de chronos, le roi Mäkinen est déterminé. Il sait que la Lancer Evo 6 est faite pour lui, par lui, il sait que sa science de la course lui évitera désormais les erreurs du passé. Mais la concurrence est rude : Mc Rae, Kankkunen, Auriol, Delecour, Thiry …Contre toute attente, c’est un pilote privé qui va lui donner le plus de fil à retordre : Gilles Panizzi. Au volant d’une Subaru WRC, les frangins Panizzi relèguent Mäkinen à 49sec dans Bif et mènent le rallye un temps…avant de sortir ! Par la suite, la menace vient du camp Ford et d’un Colin Mc Rae survolté mais l’écossais est déclassé. Mäkinen garde son sang froid et remporte le rallye devant la Subaru de Kankkunen et la Corolla d’Auriol. Triplé Japonais ! Le Samouraï Finlandais devient un héros. Au Japon il sera bientôt un demi – dieu !

L’année suivante, avec une 4ème couronne mondiale et un CV déjà bien conséquent, Mäkinen domine à nouveau la classique Monégasque. Il est impressionnant de maitrise et se trouve vite esseulé. Sainz et Kankkunen complètent le podium mais à distance. En fait, il n’y a pas eu de match ! A noter la performance éblouissante du jeune Toni Gardemeister, 24 ans, qui réussit des chronos prodigieux au volant d’une Seat Cordoba et qui, sans deux tête-à-queue, pouvait subtiliser la 3ème place finale à la Subaru de Kankkunen. Dans les 48km du juge de paix de Plan de Vitrolles – Faye, Toni claque le 3ème temps scratch à 12sec5 de Tommi en dépit d’un train arrière tordu et de freins défaillants…Et puis, il y a la magnifique prestation de Cédric Robert qui rentre dans le top 20 au volant d’une 106 S16 ! Et dans un style…très finlandais !

En 2001, Tommi Mäkinen arrive sur le Monté Carlo dépossédé de sa couronne mondiale par son compatriote Marcus Grönholm. Il est toujours pilote Mitsubishi et redoute surtout Ford et sa triplette McRae – Sainz – Delecour. Et en effet, les trois Ford sont très rapides. Dés le 4ème chrono, Colin McRae semble mettre la main sur la course mais la menace nordique ne va pas tarder à se préciser, notamment dans Sisteron où Tommi relègue Delecour à 11sec, Sainz à 14 et le leader à 21… Dans ce difficile et mythique chrono de 32 km, le jeune pilote d’une petite Saxo rouge fait également sensation…Un présage ! Malgré les attaques incessantes des Ford – Boys, rien ne vient perturber le nouveau Prince de Monaco qui décroche là une 3ème victoire de rang. Sainz échoue à plus d’une minute, Delecour à plus de deux… A Monaco, Mäkinen est imbattable! A Gap, Sébastien Ogier rêve de rallye et d’une carrière « à la Tommi ».

Le grand Richard Burns, un des plus grands « stylistes » de l’histoire du rallye est champion du monde en 2001 au volant d’une Impreza WRC. Récupérée par Peugeot, la pépite anglaise laisse son baquet à Tommi qui roule toujours sa bosse chez les japonais mais qui est désormais officiel Subaru aux côtés de l’espoir Norvégien Peter Solberg. Ce dernier signe d’ailleurs 5 scratchs lors de l’édition 2002 de la classique hivernale mais commet aussi quelques erreurs. Tommi part avec le statut de favori au départ de ce Monté Carlo mais pour le triple vainqueur, le début de course va sonner comme un avertissement, une fin de règne programmée ! Au volant de sa Xsara WRC, le jeune prodige Sébastien Loeb atomise la concurrence, particulièrement dans Sisteron, et réalise la course parfaite. Le finlandais volant est assommé, impuissant. Les autres pilotes aussi ! Sébastien remporte la course avant d’écoper de 2 minutes de pénalité à cause d’une négligence de son écurie… Le prodige alsacien chute à la seconde place. Mäkinen décroche un 4ème sacre à Monaco mais la couronne du roi vacille, l’aube d’une passation de pouvoir se profile ! En 2003, Tommi sort de la route dans Plan de Vitrolles – Faye. Une page se tourne.

Avec 4 titres de champion du monde et 4 victoires consécutives sur le rocher, Tommi Mäkinen demeure, à tout jamais, une légende du rallye et une étoile du Monté Carlo ! En janvier 2003, quelque part au bord de la route du juge de paix de Plan de Vitrolles – Faye, on ne pouvait alors se douter, devant cette Subaru N°8 agonisante, que le Samouraï finlandais décrocherait bien d’autres titres, bien plus tard, pour un autre géant du pays du soleil levant. Mais dans un autre Kimono…




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jmb17
jmb17
4 années il y a

Bonjour, P’tite info pour les amateurs de sport auto au sens large : – Stirling Moss, pilote de F1 britannique est décédé hier à l’âge de 90 ans. C’était le champion sans couronne. 12 victoires en F1 dans les années 50. Avec lui c’était tout ou rien ! Peu lui importait le titre ! – Ce qu’il voulait c’était la victoire avec panache ! Quelques points glanés ne l’intéressaient pas ! – Bref, il fut également 2 fois second aux 24 heures du Mans. – Bon lundi de Pâques confiné à tous ! Et à Baz et Riri pour leur… Lire la suite »

Albe
Albe
4 années il y a

Comme écrit par BUZ la lancer a été développée par et pour Makinen, son phénoménal coup de volant et sa science de la course faisant le reste. Une des singularités des succès de Tommi durant cette période est que sa lancer est restée très performante en gr.A face aux WRC apparues en 1997. Les problèmes sont apparus en 2001 lors de son homologation en WRC, ingénieurs (notamment B. Lidauer) comme pilotes se sont alors “arrachés les cheveux”…..