Réglementation WRC 2022 : quel mix entre coût et performance ? (2/2)

Après avoir donné mon avis sur les éléments de transmission et de suspension, je poursuivrais en évoquant d’autres éléments de la réglementation, avant de conclure avec mon avis général et celui des constructeurs.

Interdiction du refroidissement des freins 

Ce système n’est plus vraiment utilisé aujourd’hui,  mais a rendu bien des services à des gentlemen drivers du WRC, pour qui l’usage des freins était trop fréquent, d’où découlait une  surchauffe problématique en terme de sécurité . Chez les top drivers ces dernières années, on préférait rouler sans et profiter du gain de masse plutôt que rouler avec. Seul François Duval dans les années 2000 utilisait ce système car il surchauffait très vite ses freins par une utilisation du pied gauche très agressive. Je dirais donc bonne mesure, mais qui ne va rien changer dans les faits.

Réservoir d’essence

Ce point qui peut paraître anodin reflète pourtant presque toute la base de la réflexion de cette réglementation 2022. Le réservoir ne sert finalement qu’à stocker de l’essence. Sur les WRC, ils sont faits sur mesure pour un meilleur centrage des masses. On est typiquement sur un élément technique qui a été plus qu’optimisé, à l’excès, et le coût des réservoirs actuels parait délirant quand on s’en réfère à la fonction de base…  Cela ne va pas changer grand chose à la performance des autos même si le centre de gravité sera plus haut. Ce changement est justifié et pas si bête avec une vraie bonne économie !

Aérodynamisme

• Maintien du volume libre : la FIA a fait attention à ne pas tuer le look agressif des voitures actuelles qui plaît énormément. On va avoir en gros le même aspect extérieur qu’aujourd’hui. Bonne mesure, pour garder le côté sexy des voitures, et conserver une charge aéro substantielle
• Suppression des conduits cachés : C’est une zone grise réglementaire aujourd’hui, et la FIA veut sonner la fin de la récré! Le travail de tout bon ingé, c’est de flirter en permanence entre ce qui est autorisé et qui ne l’est pas, afin d’aller chercher de nouveaux leviers de gain de perfo. Tout ce qui concerne les conduits d’aération frein, moteur, hydraulique, peut être ‘détourné’ de leurs seules fonctions premières pour accentuer la charge aéro de la voiture. C’est un os à ronger qui peut être considéré comme de la sur-optimisation inutile, donc dans un contexte de réduction des coûts, une bonne mesure.
• Diffuseur arrière:  Même commentaire que pour les conduits, mais ça va réduire la perfo globale de manière importante, le diffuseur étant un des éléments majeurs aéro pour provoquer de la déportance. La fiabilisation des diffuseur a été longue, notamment sur la terre, mais les constructeurs avaient réussi à trouver des pièces robustes après 3 ans d’exploitation. Les coûts était donc selon moi quasi amortis… mais ça restera forcément une économie.

Moteur hybride

Son utilisation est vraiment logique et nous y étions obligés d’y venir car c’est sociétal. Autant le full électrique m’aurait gêné si tôt, n’ayant pas une vison suffisamment claire de comment cette techno va pénétrer nos vies quotidiennes et n’ayant pas assez de recul, autant l’hybridation m’apparaît comme une évidence inéluctable. S’opposer à ça reviendrait à imiter les anti DVD à la période des cassettes VHS ! La confirmation du moteur de base 1.6 turbo de la réglementation 2017 promet de conserver des perfos de 1er plan. Limiter l’empreinte carbone globale de la discipline est également une exigence environnementale forte, même si de ce côté là c’est sur un plan logistique qu’il faudra faire le plus d’effort. Seul bémol, mais il est minime, et c’est mon côté respect du côté extrêmement populaire et accessible du rallye,  je pense aux gamins qui regardent passer leurs idoles en liaison sans possibilité de voir les voitures en spéciales, et qui vont entendre des sonorités de tondeuses électriques…

Côté mix énergétique entre le thermique et l’électrique, je suis assez confiant, les progrès réalisés sont énormes et on obtient des résultats bluffants en compétition (F1 et LMP1), et même sur toutes les prochaines voitures sportives de série (techno PHEV). On réalise un parfait overboost qui permet de sublimer les perfos du thermique. Reste à ficeler les limitations d’usage pour rendre cela opérationnel et spectaculaire.

Avis général

J’aurais forcément deux visions différentes pour analyser globalement cette réglementation 2022. D’un point de vue purement technique et d’ingénieur, les reculs techniques sont toujours des points négatifs et vont à l’encontre de la performance : cette réglementation n’a pas vocation à améliorer les perfos des voitures, soyons clairs. Les restrictions sont donc pour moi autant de leviers en moins dans les mains des équipes pour sublimer la perfo de leurs autos et essayer de distances les concurrents.

Mais ne nous y trompons pas, l’enjeu est ailleurs. Dans ce contexte global, réduire les coûts n’est pas un choix, c’est une nécessité. Si la question est est-ce que ce règlement optimise de la bonne façon la ratio performance/coût, la réponse me semble être oui. Au bémol près des 2/3 points que j’ai déjà souligné au dessus, qui pour moi vont faire perdre de la perfo sans aucun vrai bénéfice budgétaire.

Au final, le ratio reste assez cohérent, même si vous l’avez compris, la FIA a été un peu trop loin selon moi, ingénieur et amoureux de la technique. Mais on peut penser qu ils ont fait ce qu’il semble bon pour attirer de nouveaux constructeurs.

Avec mon expérience, j’estime la perte en perfo par rapport à la réglementation actuelle entre minimum 5/10ème et 1 seconde au kilomètre en fonction des terrains. Les perfos sur asphalte seront les plus pénalisées (moins d’aéro, pas diff central, centre de gravité plus haut, trains “terre”).

Le développement d’une voiture d’une nouvelle réglementation prend 1 an et demi environ, quand on part d’une base, c’est à dire quand on est déjà dans le championnat. S’il s’agit de bâtir une nouvelle équipe et de développer une voiture en partant de zéro, ce qui serait le cas des nouveaux constructeurs potentiels, il est tant de figer le règlement, et la période du Covid19 me laisse pessimiste quand à l’opportunité de voir de nouveaux entrants dès 2022. 

L’avis des équipes

Pour Toyota, ce n’est vraiment pas une bonne nouvelle car ils développent actuellement une voiture pour 2021 alors qu’ils sont déjà au top des performances. Et puis, jamais une équipe qui domine son sujet n’a envie de changer les règles du jeu ! En plus, le constructeur japonais n’était pas forcément motivé pour l’arrivée de l’hybride car ils sont déjà bien engagés sur cette technologie en Endurance.

Pour M-Sport, c’est à dire Malcolm Wilson, c’est vraiment la bonne opportunité. En tant que privé, l’objectif est de se battre avec les usines et ils auront clairement plus de chances de les concurrencer. Hyundai et Andrea Adamo sont assez d’accord avec la réglementation et sont intéressés également. Même s’ils ont gagné le titre constructeurs l’an passé, ils n’arrivent pas à gagner le titre pilotes et attendent une redistribution des cartes.

La vraie réponse à la question “est ce que cette réglementation est bonne”, ce sera le nombre de potentiels nouveaux constructeurs attirés qui nous donnera la réponse!

En attendant, wait & see, et prenez soin de vous ! #stayhome