X.Panseri : “Clairement mon Dakar le plus compliqué”



Pour son septième Dakar, Xavier Panseri, navigateur de Khalid Al-Qassimi, a connu une édition particulièrement difficile notamment suite au renforcement de la navigation.

Au terme de deux intenses semaine de course, le copilote français a terminé au 7e rang du classement final à bord d’un Peugeot 3008 DKR gérée par l’équipe PH Sport. 

Bien reposé après une quarantaine imposée par son pays, la Pologne, Xavier nous a accordé de son temps pour revenir sur cette formidable épreuve nommée Dakar.

Tous les jours ou presque, on a pu entendre que ce Dakar était très difficile. Tu confirmes ?

“C’était clairement le Dakar le plus compliqué que j’ai pu faire en terme de navigation. Mais finalement, c’est ce à quoi on s’attendait par rapport aux discours que l’on a pu entendre avant le départ. 

Les organisateurs sont revenus à l’essence-même du rallye-raid. En Amérique du Sud, c’était de la vitesse pure et peu de navigation avec certaines étapes ressemblent fortement à des spéciales de WRC. Ce n’était d’ailleurs pas l’image que je m’étais fait du Dakar quand j’ai débuté là-bas.”

Parle-nous justement de cette navigation plus difficile.

“Pour cette année, le Dakar était donc poussé un peu l’extrême en terme de navigation. On s’est un peu amusé (en ironisant). La navigation est principalement devenue compliquée avec un road-book comportant énormément d’informations qui étaient difficiles à entièrement décrire au pilote. Il fallait en plus combiner toutes ces choses à dire avec les changements de cap éventuels et les distances dans la case d’à côté (voir road-book).

Au final, cela faisait beaucoup d’informations à traiter et tu pouvais facilement en louper une. Donc la navigation était très difficile, plus par rapport à la rédaction du road-book que le terrain en lui-même, cela fait partie du jeu.

D’ailleurs, je tire mon coup de chapeau aux équipages Peterhansel/Boulanger et Al-Attiyah/Baumel qui ont fait très peu d’erreurs avec un boulot incroyable.

Cette navigation plus compliquée était en plus à traiter avec un nouvel outil de travail : la tablette. Es-tu satisfait de cette nouveauté ?

“La grande nouveauté de ce Dakar était l’arrivée de la tablette. Pour les essais à Dubai en vue du Dakar, j’ai pu me familiariser à ce outil avec son installation et ses principales fonctionnalités, sans pouvoir utiliser un road-book par contre.

Je trouve que c’est vraiment top, même s’il y a encore des petits problèmes de fiabilité ou de fonctionnalité comme par exemple la possibilité de sauter de 4 pages en avant pour un piège particulier et revenir rapidement en arrière. On s’y perd vite ! Mais en terme de visibilité et lisibilité et de confort, c’est vraiment bien, on visualise davantage la piste qu’avant.

A chaque départ de spéciale, 10 min au début, puis finalement 15 min ensuite (pour suivre les changements pour la réglementation motos), le road-book était chargé avec la spéciale du jour en mémoire. Tout le monde était sur le même pied d’égalité, personne ne pouvait être avantagé avec un travail pendant la nuit sur Google…

Sur les 15 minutes dont tu disposes, tu défiles tout pour voir les principaux pièges et vérifier qu’il ne manque rien (ce qui n’arrive normalement pas !).

La veille tout de même, on avait droit à un débriefing sur quelques points critiques de la spéciale avec un petit bout de papier.”

Pendant ce Dakar, Carlos Sainz, ancien double vainqueur, a critiqué ouvertement l’organisation d’avoir changé la nature de cette épreuve, évoquant même une “loterie”. Quel est ton avis ?

“Carlos est un battant, il n’aime pas perdre ! À partir du moment où il s’est perdu 2 ou 3 fois, il commence à être frustré et doit s’exprimer devant les médias pour évacuer ça. Mais cela fait partie du rallye-raid, il a eu de la chance par le passé et notamment l’an dernier où il a pu suivre la trace de certains qui venaient de se perdre et retrouver le bon chemin. Mais le rallye-raid, c’est de l’endurance avec plus de 40 heures de chronos et pas seulement 2h30 ou 3h comme en WRC.”

En fin d’épreuve surtout, et Al-Attiyah principalement, a déclaré que les 2 roues motrices étaient trop avantagés par rapport aux 4 roues motrices. Là aussi, quel est ton avis ?

“Cette épreuve était pro 2 roues, comme l’an passé avec un profil comportant beaucoup de cailloux. Le règlement est fait comme ça depuis des années avec une balance de performances entre les 2 roues et les 4 roues. Toyota a bien essayé de faire une 2 roues mais ça n’a jamais fonctionné…personne ne les a donc obligé d’être en 4 roues. 

En 2023, les concurrents Elite n’auront plus le choix de rouler en 4 roues motrices. C’est un peu dommage car on ne pourra plus voir des voitures comme la Century de Serrardori (par exemple) pouvoir se bagarrer face aux constructeurs officiels avec des voitures moins chères.

Pour les 4 roues Motrices, il faudrait un règlement évolué pour les pneus. Mais cela nécessite un gros travail pour Toyota et les autres constructeurs, tu ne peux pas simplement augmenter la taille des pneus comme demande Al-Attiyah. C’est un long sujet à travailler jusqu’au prochain Dakar et le cahier des charges doit évoluer pour permettre à BF Goodrich de produire le pneu qu’il faut. Sur ce Dakar, Giniel De Villiers pour exemple, qui n’est pas un pilote connu pour être agressif ou un gros attaquant, a crevé 26 fois sur ce Dakar ! Al-Attiyah une quinzaine de fois.

Mais oui, cette année, on avait droit à un rallye pro 2 roues motrices, les 4 roues motrices avaient peu de chance. Mini a mis les chances de leur côté, ils ont fait l’effort de développer une voiture 4 roues motrices, puis une 2 roues motrices quelques années plus tard. Il aurait fallu un parcours plus rapide et moins cassant pour les 4 roues motrices.”

Tu t’es encore régalé en terme de paysages ?

“Visuellement, c’était magnifique oui, vraiment superbe. Mais j’en ai profité encore plus en voyant des photos et des vidéos de France TV. À l’intérieur de la voiture, on ne s’en rend pas compte de la beauté des endroits que l’on peut traverser et notamment dans les canyons. 

Je me rappelle avoir vu de l’herbe verte sur les dunes, il venait de pleuvoir, tu te dis que c’est magnifique, c’est peut-être le truc le plus beau que j’ai vu cette année. Mais les paysages que j’ai pu voir en Bolivie notamment restent les plus beaux.”

Enfin, as-tu un avis sur la performance de l’équipe Prodrive, néophyte sur cette épreuve ?

“Pour Prodrive, c’est vraiment fort ce qu’ils ont fait avec le temps imparti et en plus avec la crise sanitaire. Finir 5e avec aussi peu de kilomètres et aucune expérience, c’est franchement très bien. La voiture a une fiabilité intéressante mais je pense qu’il manque un peu de performances.

En vrai, elle est tout de même plus jolie qu’en photos. Il y a un truc choquant tout de même, c’est qu’elle a été conçue comme une voiture de rallye et que de nombreux éléments sont inaccessibles pour intervenir rapidement.”

Bonus : Lecture du Road-Book (en rouge)

Afin de comprendre un peu mieux le travail d’un copilote/navigateur sur un Dakar, et plus particulièrement pendant l’édition 2021, voici un extrait du road-book donné aux concurrents. Xavier a souhaité nous décrypter ce passage particulièrement difficile !

Au Km 234,16, on a une descente de danger 3 (!!!), (le plus gros niveau de danger, il faut vraiment, vraiment ralentir et être prêt à peut-être passer au ralenti). Donc la descente est dangereuse un peu sinueuse droite, gauche avec une tranchée à la sortie du droite et ensuite prendre le CAP 125° Moyen, toujours sur piste.

240m plus loin, km 234,40, on a à la sortie du léger droite une marche en descente de Danger 1 (!) toujours sur un CAP 125° et 80m après on prend à gauche CAP 195° sur une piste moins visible, ensuite le CAP deviendra oblique pour finir sur un CAP 142 Moyen, et toujours sur une piste pas très visible.

Et à 420m sur la page suivante on aura un Danger 1 (!)

A savoir qu’il existe 3 Niveaux de Danger (!),(!!), (!!!)

! Pour les véhicules de catégories T1 ( a savoir les véhicules fait pour jouer la gagne sur une épreuve Cross Country), on ne ralentit quasiment pas.

!! Là, il faut déjà faire très attention et être prêt à beaucoup ralentir.

!!! Sur ce type de danger il faudra peut-être passer en 1ère ou 2e, il faut presque être à l’arrêt.

Le problème c’est que le niveau de danger, peut évoluer durant la course, c’est à dire une petite bosse en sable niveau !! devient souvent nivelé par les premières voitures et quand tu passes 10ème peut être de niveau !

A l’inverse une crevasse, ornière ou trou de Niveau 1 (!), peut devenir 2 où 3 suivant ton ordre de passage en course.
Donc à chaque Danger il faut vraiment faire attention. Tu ne sais jamais à quoi t’attendre.




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Jean-Baptiste LECCIA
Jean-Baptiste LECCIA
3 années il y a

QUE DE SOUVENIRS; J’ai publié MON DAKAR. éditions ediivre. UNE HISTOIRE VRAIE de… 1969.vous pouvez vous le procurer; il suffit de taper sur google “mon dakar”. (Egalement en italien: LA MIA DAKAR); contactez moi.

jmb17
jmb17
3 années il y a

Un cérébral joyeux ! Xavier pense, et rit.