Rallye Monté Carlo 1993 : “La machine à remonter le temps”



Quand l’occasion d’évoquer le Monte-Carlo se présente, Jeff se précipite sur son clavier pour écrire un nouveau récit. En 1993, il y a de la matière avec deux français lancés dans une impitoyable lutte pour la victoire.

27 janvier 1993, 00h33, François Delecour a rendez vous avec l’histoire et les routes du Mercantour pour le dénouement d’un Monté Carlo d’anthologie. Avec une belle avance sur Biasion et Auriol, le nordiste semble enfin tenir SA première victoire Monégasque. Ce qui est arrivé ensuite du côté de la Couillole, d’Entrevaux et de Tourette du Château ne peut se conter que si on l’a vécu. Voyage au cœur de la quatrième dimension.

Chambardement en ce début de saison : Auriol et Kankkunen débarquent chez Toyota, Sainz rejoint Aghini au volant d’une Lancia du Jolly Club tandis que le roi de l’attaque Schwarz devient pilote Mitsubishi aux côtés d’Eriksson. Delecour et Biasion, quant à eux, restent fidèles à Ford où l’Escort remplace la Sierra.

Même en l’absence de neige, les paysages en Haute Vésubie demeurent extraordinaires. Quelques heures durant, les concurrents vont avoir le privilège de partager ce merveilleux belvédère avec quelques autochtones étonnants : chamois, mouflons, aigles et même des loups… Le Turini ouvre les hostilités, l’espoir Italien Andréa Aghini, presque à domicile, prend la tête du rallye. Telle une bête blessée, la Celica d’Auriol rallie le premier point stop de l’année avec une roue arrachée et 1min12 envolée. Le revêtement glissant des Clues de Saint-Auban voit Delecour atomiser la concurrence alors que le Français de Toyota lâche encore 37sec sur crevaison… Le rallye est-il déjà plié ? L’étroit tracé du Corobin sourit à François tandis que son équipier l’imite à Eygalayes : l’Escort est bien née ! Il faut attendre la Motte Chalancon et ses bosses pour que le couple Auriol – Celica décroche son premier scratch. Sur la route d’Aubenas, pour rejoindre Antraigues, petit crochet par le vertigineux couloir aérien reliant le Col des 4 Vios à celui de la Fayolle avant de déguster cette descente magique et la fameuse tarte aux myrtilles. Ce haut lieu de la châtaigneraie ardéchoise, François l’adore et s’y envole, il possède désormais 1min30 d’avance sur les deux italiens Aghini et Biasion, plus de 2min sur le pilote Toyota. L’espoir Belge de Saint-Vith (nom prédestiné ?) Bruno Thiry, idole jadis d’un petit voisin de 5 ans ; un certain Thierry Neuville ; est excellent 9ème au volant de son Opel Astra tandis que le rapide Pierre-Manuel Jenot mène le Gr.N au volant de son Escort Cosworth après un superbe 9ème temps scratch dans Antraigues.

Le dimanche matin, en guise de murs de neige, des haies de spectateurs inconscients envahissent le plateau de Lachamp Raphaël… Delecour crie sa colère sur les ondes de RMC. Sainz et Biasion signent le scratch ex aequo. Route humide dans l’effrayante boucle de St Bonnet le Froid où « Freine tard » en 13’27’’ devance Auriol de 5sec. Direction la Drôme où là, au pied du Vercors, le leader du rallye domine encore ses poursuivants puis, arrivent les 30km de Rosans. Comme un avertissement. Rosans, c’est un « morceau », les changements de rythmes y sont nombreux et ça va vite, très vite…224Km/h atteint par le leader qui, au point stop, reçoit pourtant une sacrée gifle : 15sec de plus qu’Auriol ! Un point stop que franchit notre ami Thiry « au câble » avant de se mettre… sur le toit ! Le Millavois et sa nouvelle geisha remettent le couvert dans Plan de Vitrolles où, cette fois, Delecour prend 229Km/h (!) et… 15sec en 18Km par son ennemi préféré ! De quoi admirer, aussi, Grataloup, Occelli et tous les « chefs d’orchestre » de droite ! C’est pire encore pour Sainz et Aghini qui sortent de concert sur le verglas. Sale dimanche pour Lancia ! A Gap, le petit Sébastien Ogier vient de fêter ses 10 ans et les deux Ford dominent l’épreuve. Auriol pointe à 2min17.

Un lundi au soleil attend Carlos Sainz au départ du chef lieu des Hautes-Alpes. Avec une Lancia re-stylée mais l’orgueil blessé, le matador scratche dans les Garcinets avant de survoler les surplombs de la Durance, je veux bien sûr parler de la mythique Sisteron – Thoard. A Trigance, puis dans le Bleine, la confiance change de camp, Auriol reprend la main. Didier n’a plus rien à perdre, François lui… Du côté de Boreham, on pourrait être confiant, le pilote de Cassel est toujours leader, Miki assure les arrières alors que Didier pointe à 1min11… Mais cette fois-ci, c’est sûr, le loup est dans la bergerie !

Avant de s’enfoncer dans le froid de la forêt de Turini et d’une dernière nuit légendaire, parlons un peu de quelques animateurs de cette 1ère manche mondiale. Armin Schwarz n’a pas été gâté par la chance tandis qu’elle sourie à Thiry vainqueur en F2, bien qu’ayant retourné l’Astra à Rosans. Christophe Spiliotis impose sa Lancia en Gr.N devant la Ford de la famille Serpaggi et après l’abandon du Monégasque Pierre Manuel Jenot qui était alors leader. Pierre Manuel s’illustra – entres autres – par un 8ème chrono absolu dans le Turini à 14sec de la Mitsubishi GrA de Kenneth Eriksson… Petit clin d’œil de l’histoire, le 26 octobre 2019 sur une spéciale Catalane, nous avons rencontré le sympathique pilote de Monaco avec qui nous avons évoqué cette magnifique période. Beaux souvenirs et belle rencontre. C’est Isolde Holderied qui a décrochée la coupe des dames malgré une grande Christine Driano qui, au volant de son AX GTI, a réalisée un Top 10 dans le Bleine, posant au passage une minute à sa concurrente Allemande !

27 janvier 93, 00h33, François Delecour se retrouve face à son destin. 15min37 plus tard, il en finit avec le Turini où il devance Didier Auriol de 5sec. Restent 4 chronos, 1min16 séparent nos deux français. Les 22 Km de la Couillole sont rapides, piégeux, l’arrivée est complètement folle, j’y ai vu un Auriol en furie, faisant abnégation du verglas noté par ses ouvreurs. Delecour… non ! Il encaisse 25sec ! Ecart : 51sec. La tension monte. « L’extra – terrestre » continue son récital dans Entrevaux, frôle la catastrophe à plusieurs reprises. François, impuissant, nerveux, est assommé par 31sec… Il met un genou à terre… Encore 20sec d’avance mais le spectre de 91 refait surface. La tension devient insupportable. Les lacets du Bleine se transforment alors en tournant historique de cette 61ème édition. Auriol y pulvérise son propre record de 31sec (!) Delecour est sonné, paralysé, groggy…Revenu du diable Vauvert, le lutin de Millau et sa « Toyot’à remonter le temps » occupent désormais la tête du rallye, pour 2sec. François sait déjà que la plus belle épreuve du monde vient de lui filer entre les gants. Une fois de plus…

Malgré quelques ragots sur la conformité de la Celica lors de cet épisode, il faut bien avouer aussi que François n’a pas été au mieux. Dans la Couillole, le nordiste perd 12sec en 22 km sur la Lancia rafistolée de Sainz et même 2sec sur son équipier… Juste après, à Entrevaux, François est à nouveau derrière Biasion et à 26sec de Sainz à l’attaque qui n’encaisse que 5sec par Auriol en 30,57km… Entre un pilote en état de grâce et un autre qui craque, ça peut vite faire des valises…

Le long des effroyables ravins de Tourette du Château, Didier en remet une couche, il assomme la course. Rien à dire, le nouveau pilote Toyota est au sommet de son art. Après ses démonstrations de 92 avec Lancia et sa fabuleuse victoire aux « Mille Lacs » il est évident que ce sera encore lui le patron du championnat ! Didier et Bernard, héroïques, sortent victorieux de cette « nuit de la peur ». Cette victoire improbable, cette remontée incroyable, cette nuit inoubliable ont fait naître certaines suspicions. Je ne sais pas si les Japonais de Toyota ont versé quelques gouttes de saké dans le réservoir de la Celica mais, ce dont je suis sûr, c’est qu’au cours de la dernière nuit, Didier fut le maître du temps !




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106xsiN1
106xsiN1
4 années il y a

Bonjour,
je profite de cette page pour lancer un appel.
En effet je cherche les cartes des parcours de concentration de l’édition 1993. Mon 1er monte carlo !!!

Merci pour votre aide

Fb49
Fb49
4 années il y a

Y a un truc que je n’ai jamais vraiment su, fin 1992, Lancia avait surement la machine la plus évoluée avec l’évolution de la légendaire delta….Sainz qui était l’un des plus sinon le plus vite quitte Toyota pour rejoindre l’équipe Italienne, si la vitesse semble bonne au Monte-Carlo, la suite de la saison montrera une voiture limité en rapport des autres… Pourquoi?? plus de Martini non plus…? des infos??? Merci d’avance…

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