Y.Rossel : “J’ai énormément peur pour l’avenir”



Quatrième du WRC2 au dernier rallye du Chili, et encore en lice pour le titre de champion du monde, Yohan Rossel aborde cette fin de saison avec l’espoir de devenir champion du monde à l’issue du rallye de l’Europe Centrale, fin octobre.

Avant ce dernier rendez-vous capital dans sa carrière, le Français est revenu avec nous sur ce rallye du Chili, mais a également donné son avis sur l’avenir plutôt inquiétant du championnat du monde des rallyes.

Lors de ce rallye du Chili, tu as connu deux périodes un peu différentes. Loin de la concurrence le premier jour et quasiment le plus rapide sur les deux dernières journées. Que retiens-tu de ce rallye ?

“On a fait une journée d’essais là-bas, et lors des reconnaissances, on a vu que ce rallye regroupait des profils que l’on connaissait comme la Finlande, la Grèce et le Pays de Galles notamment. C’est sympa de vivre de nouvelles expériences, de sortir de sa zone de confiance. Je suis toujours friand de nouvelles expériences comme celle-ci. En début d’année, on avait déjà envisagé cette participation au Chili et cela s’est finalisé un peu avant juillet, en sachant que la voiture devait partir mi-juillet.

Pour moi, c’était vraiment une super expérience, c’était plus intéressant que d’aller au Japon qui aurait pu toutefois être mieux en vue du championnat.”

Pourquoi as-tu eu autant de mal le premier jour ?

“Le premier jour, nous avons été handicapés par notre première position sur la route. En partant premier sur la route en WRC2, et juste derrière Alberto Heller qui débutait en Rally1, les traces n’étaient pas bonnes. En plus, je fais une erreur avec un tête-à-queue dans la gravette où je perds environ 20s. Cette première journée était plutôt typée Finlande donc moins favorable pour moi et cela a été très compliquée. Le soir, on a fait le dos rond avec l’équipe pour mieux se concentrer sur le lendemain où l’on s’attendait à être meilleur.

Le lendemain, les positions sur la route se sont inversées et nous étions beaucoup mieux puisque nous sommes les plus rapides du WRC2 sur la deuxième journée.

Après, il faut aussi bien avoir en tête que chaque constructeur a ses qualités et défauts. Après la Sardaigne, on a reçu des évolutions au niveau des amortisseurs, et c’était vraiment mieux. On a encore pas mal de travail quand le grip est faible. Cette année, on a des pneus qui sont plus lourds de 2 kilos avec une carcasse plus rigide, et c’est un facteur important. On avait jamais eu aussi peu de grip en Sardaigne cette année par exemple.”

En Rally1, beaucoup de pilotes ont mis en avant la difficulté des choix de pneumatiques. Comment c’était pour toi ?

“C’était un choix compliqué pour le samedi matin. Je pense que l’on a fait le bon choix avec trois tendres et durs. On a eu de la délamination le samedi après-midi et l’on perd 15/20s. Je pense que nous avions une bonne stratégie. Le terrain n’était pas forcément propice aux crevaisons comme un Grèce par exemple, mais c’était vraiment abrasif.”

Que sais-tu du prochain rallye en Europe Centrale ?

“Pas grand chose, mais ça promet d’être un sacré rallye. Je vais me caler dessus la semaine prochaine. Mon copilote a commencé à regarder, il anticipe les choses et c’est un gros bosseur. Le rallye peut peut-être ressembler au Barum sur certaines spéciales.

Il faut à tout prix que je gagne pour le titre et il faut finir la saison en beauté. Pour le titre, il ne faut pas se leurrer, c’est assez compromis mais on ne va rien lâcher, on a rien à perdre. Nous n’avons rien à regretter sur la saison.”

Que penses-tu de l’évolution actuelle en mondial et du rallye en général ?

“Déjà, il faut que les voitures fassent rêver tout le monde, pilotes et spectateurs. J’essaierai d’avoir une réglementation assez stricte comme en WEC. En rallye, j’ai l’impression que nous sommes toujours les derniers du carrosse. On a par exemple été les derniers à l’intégrer l’hybride.

Le gros problème est évidemment le manque de constructeurs. Nous sommes nombreux en WRC2, donc c’est un problème de classe. Une location d’une Rally1 sur une épreuve équivaut quasiment à un programme complet en Rally2 !

Je ne comprends vraiment pas pourquoi ils ne font pas une nouvelle réglementation avec des WRC2 avec plus d’aéros et un kit hybride. Je rêve d’un système comme en 2014/2015 où un gars comme Stéphane Sarrazin pouvait rivaliser avec les constructeurs au Tour de Corse. Un privé avait l’opportunité de se mesurer aux équipes officielles !

Il y a un gros problème d’accessibilité au haut niveau. Il faudrait plus de constructeurs pour accéder à la catégorie supérieure et donc plus de portes ouvertures pour les jeunes. Je suis vraiment inquiet pour le futur.

En France, quand on voit des mecs comme Margaillan, Pellier, ou encore mon frère, ils gagnent des formules de promotion et se retrouvent dans l’impossibilité d’aller en mondial. Pour Léo, il doit quand même amener la moitié du budget alors qu’il a remporté la Stellantis l’année dernière. Ce n’est pas normal. Il y a 30 ans, de tels pilotes auraient trouvé un volant officiel.

On a eu deux ou trois réunions dans l’année où l’on a pu exprimer notre avis, notamment avant la Sardaigne. Mais ça paraît très compliqué pour faire bouger les choses entre le promoteur et la FIA. J’ai énormément peur pour l’avenir.

Déjà, pour rouler en WRC2, il faut un budget de 700 000€ pour disputer une saison complète et il est difficile d’avoir un engouement pour les jeunes pilotes dans ces conditions. J’ai peur pour au moins les cinq prochaines années.”

As-tu peur que le rallye disparaisse dans les années à venir ?

“Non, le rallye ne disparaîtra jamais, car il y aura toujours des passionnés purs et cela continuera. Ils se tourneront peut-être davantage sur les voitures historiques. Il y a actuellement un succès hallucinant sur des épreuves comme le Tour de Corse ou le Maroc.

Au niveau mondial, il y aura toujours des constructeurs officiels. Je ne suis pas sûr pas que l’électrique à 100% soit une possibilité, ou pas avant une dizaine d’années.”




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Robin
Robin
6 mois il y a

Toujours aussi clairvoyant ce Rossel !
Une analyse simple et efficace et des solutions qui le sont tout autant mais bon, la FIA n’a pas l’air trop motivée à changer les choses en profondeur…

Sylvain
Sylvain
6 mois il y a

Clair, net et précis… et franchement plus convainquant que travailler sur le “format” des courses comme le proposait Rovanperä.