Entretien avec Arnaud Rémy, nouveau boss rallye chez Michelin



A l’occasion de la dixième manche de la saison WRC en Turquie, nous avons pu longuement échanger avec Arnaud Rémy, nouveau boss de la compétition rallye chez Michelin Motorsport.

Arrivé à ce poste en avril dernier suite au départ en retraite de Jacques Morelli, Arnaud est engagé chez Michelin depuis plus de quinze ans, d’abord en tant que chimiste organicien avant de grimper les échelons pour arriver aujourd’hui au poste de “manager rallye”.

*Interview réalisé avant le départ du rallye

Bonjour Arnaud, tout d’abord, quel est ton nouveau rôle chez Michelin Motorsport ?

“Avant, je m’occupais de la compétition et de la partie clients du rallye, du côté des championnats nationaux et ERC. En WRC, c’était Jacques Morelli, mon prédécesseur qui était le responsable mais s’occupait exclusivement de ce championnat. C’est intéressant de succéder à Jacques, nous n’avons pas la même façon de travailler, mais nous n’avons pas non plus les mêmes objectifs. On essaye maintenant de créer des synergies avec une entité rallye à part entière.

Maintenant, nous avons tout regroupé dans une seule entité donc je m’occupe des activités rallye de la Fourme d’Ambert jusqu’au WRC.

C’est très intéressant de toucher à tout, cela donne une vision plus large. C’est très cohérent par exemple dans la catégorie R5 où des équipes satellites vont faire rouler leurs voitures dans différents championnats jusqu’en régional. Finalement, ils ont maintenant les mêmes interlocuteurs et cela couvre tous les besoins nécessaires à chaque niveau.

Que ce soit le Mont-Blanc en R5 ou un WRC-2 en R5, si le client roule en Michelin, il doit avoir le même conseil et travail de notre part.

Comment Michelin s’est préparé à un nouveau rallye comme la Turquie ?

On a envoyé quelqu’un en Turquie au mois d’août avec quelqu’un de l’organisation. Il a fait des photos et pris des notes puis on a pu discuter avec la FIA. Cela nous a permis d’avoir une première vision et on a fait les reconnaissances cette semaine avec les concurrents. Cela avait mis en évidence de gros problèmes, donc depuis, ils ont raboté certaines routes par exemple et enlevé des cailloux. C’est une demande globale avec la FIA.

Nous reconnaissons également chaque spéciale en même temps que les concurrents avec deux voitures. On a ainsi une vision commune du parcours. Après ces différents retours, nous avons décidé, en accord avec la FIA et les équipes, d’accorder quatre pneus supplémentaires au quota habituel. Je ne me rappelle pas quand nous avons déjà fait ça.

Dans chaque équipe, un technicien Michelin est engagé. Explique-nous un peu cette organisation 

Nous avons un technicien par équipe et cela nous permet de donner des conseils plus spécifiques, comme par exemple la pression des pneus ou une attitude à adopter sur certaines spéciales, l’agressivité du setup ou encore le nombre de roues de secours à prendre.

C’est une relation qui se créé sur la durée, certains bossent depuis de nombreuses années avec les mêmes équipes. Les pilotes tournent et parfois les ingénieurs peuvent également les suivre. Il y a une confiance interne importante qu’on doit respecter absolument.

Mais pour un technicien, il doit être plus motivant de travailler avec un top pilote que chez Citroën actuellement par exemple.

Pas forcément. Quelque part, est-ce que ce n’est pas plus intéressant de bosser chez Citroën qu’avec Sébastien Ogier, car même s’il ne prend pas le bon pneu, il sera performant. Par contre, tu n’as pas le même stress en bossant avec Ogier car si tu te loupes, ça va se voir. Quand tu te loupes avec d’autres pilotes, c’est un peu moins grave. Il n’y a pas vraiment de jalousie entre les quatre techniciens, il est surtout important d’avoir une relation de confiance avec chaque équipe. Notre objectif est d’avoir des techniciens fidèles dans chaque équipe.

Le risque de crevaisons est énorme ici en Turquie. Comment Michelin analyse tout ça ?

“On parle souvent de crevaisons un peu partout, mais cela peut vouloir dire beaucoup de choses avec des jantes et des parties de voiture en moins par exemple. Nous sommes toujours très prudents avec ce terme. Nous avons des vraies crevaisons parfois, effectivement, mais nous analysons en profondeur les causes qui ont pu amener à une crevaison (objet rentré dans les pneus, flan coupé, jante cassée). Et sur le nombre de cas recensés, il y très peu de crevaisons liées directement aux pneus. En Turquie ce week-end, il faut rouler avec une pression un peu plus haute et les pilotes ont reçu le conseil d’utiliser un setup moins agressif.”

Une crevaison a beaucoup fait parler le mois dernier, c’est celle de Sébastien Ogier en Allemagne. Quel est le fin mot de l’histoire ?

La crevaison d’Ogier en Allemagne est liée à un débri et une coupure dans le pneu. On a dit plein de choses sur ça car la jante était abîmée. Mais au final, il n’y a pas grand chose à dire à part qu’il s’agit d’une crevaison lente et une perte de pression, il a eu ensuite un peu plus de mal à contrôler la voiture et à un moment il tape une pierre. Là il casse la jante, et cela devient plus grave, mais de toute façon, il fallait s’arrêter.

On a d’ailleurs pu voir à cette occasion, l’importance des capteurs de pression.

Les alertes au dashboard sont encore perfectibles mais pour la sécurité, c’est une très bonne chose. Ça reste un capteur qui peut s’endommager, donc il faut faire attention. Tout ce qui amène la sécurité, Michelin le défend.

C’est  justement un regret, en terme de sécurité, de ne plus utiliser de pneu anti-crevaison ?

Si on demande à ceux qui les montaient non (rires). J’ai cru comprendre que c’était un calvaire pour le montage. Aujourd’hui, on commence à avoir des pneus de ce type sur la route, mais que nous ne faisons plus en rallye. En Dakar, nous avons encore le Bib-mousse et nous continuons le développement de cette technologie.

Est-ce que la masse de travail est bien plus importante sur rallye comme la Turquie ?

Finalement, la masse de travail n’est pas forcément plus haute, même s’il peut y avoir beaucoup de crevaisons. Quand la météo est changeante, notre travail est plus stressant avec des choix de pneus différents et des discussions importantes avec les équipes. S’il fait beau tout le temps, on a déjà une idée des pneus qui seront utilisés.

Être seul dans la catégorie reine, n’est-ce pas trop gênant ?

De fait, le WRC est ouvert à la concurrence. Les équipes font le choix de rouler en Michelin, c’est super valorisant pour nous, ce n’était pas le cas lors des deux dernières années par exemple. Dmack nous ont bien affronté avant, avec un choix différent, mais à long terme, on voit que cela n’a pas payé car ils ne sont plus là.

En WRC-2, on retrouve plusieurs manufacturiers en compétition par contre. Il faut avouer qu’il est difficile de rentrer dans ce marché avec ces nouvelles voitures et sans avoir d’expérience avec ces dernières. Nous continuons à nous développer en permanence mais si un nouveau manufacturier arrive, ce sera très intéressant pour nous.

Un nouveau pneu tendre est disponible depuis la Finlande. Quelle est sa plage d’utilisation ?

Cette nouvelle gamme de pneus devrait être utilisée au Pays de Galles, si c’est un peu humide avec de la boue. En terme de performances, il devrait y avoir une bonne différence avec le dur. C’est le seul endroit où le tendre pourra rouler sur la fin de saison.




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Pascal
Pascal
5 années il y a

Pas de doute, ce sont des bons chez Michelin. Quand on voit le terrain sur lequel les voitures évoluent et le niveau de performance, chapeau bas !
A comparer avec le spectacle affligeant que nous offre Pirelli avec ses pneus “Barbie” sur les circuits de F1….Ca se passe de commentaire je crois….

dr no
dr no
5 années il y a

Article très intéressant effectivement, merci RS.