Les étoiles de Monte Carlo : Walter Röhrl, le seigneur des anneaux



Alors que les essais Monte-Carlo débutent dès la semaine prochaine, Jeff nous plonge déjà dans la mythique épreuve monégasque en revenant sur les exploits des plus grands pilotes de ce rallye si particulier.

Dans ce premier des trois récits prévus pour cet hiver, c’est l’allemand Walter Röhrl qui est mis en lumière, seul pilote à avoir remporté le Monte-Carlo avec quatre constructeurs différents, et sacré champion du monde en 1980 et 1982.


À vive allure, il arpente les bords du Danube pour visiter les métayers d’un évêché, voilà le quotidien du séminariste Walter Röhrl. Grâce au ski qu’il pratique à bon niveau, le natif de Regensburg rencontre Herbert Marecek, passionné de sport auto et médusé par le talent de son jeune ami. Walter est peu argenté, Herbert finance l’opération pour que le Bavarois prenne le départ du Bavaria Rallye 1968 au volant d’une modeste Fiat 850 d’origine. A 21 ans et à vue, avec Marecek dans le baquet de droite, Walter signe un 2ème temps sur 150 concurrents dans une spéciale en descente… avant d’abandonner.

Un an plus tard, le surdoué revient avec une BMW 2002 de série, toujours avec Marecek et sans reconnaissances et se retrouve 2ème scratch…avant d’abandonner. En 1970, Marecek achète une vieille Porsche 911 et la confie à son poulain à l’occasion du Bavaria Rallye qui compte pour le championnat d’Europe. A mi – course, Röhrl est leader devant Sandro Munari… avant d’abandonner ! Marecek écrit à tous les journaux du pays pour crier : …« mon ami Walter est le meilleur pilote du monde, faites lui essayer une vraie voiture de course et vous verrez »… Le magazine « Rallye Racing » le prend au mot… et ils ont vu ! Le jeune Allemand signe un contrat chez Ford. Röhrl serait peut être devenu évêque, il sera le « pape du rallye » …

Paysages majestueux, routes mythiques, hivers polaires quand la burle se déchaîne sur les hauts plateaux, l’Ardèche appartient au patrimoine mondial du rallye. L’Ardèche, le Monté Carlo et Walter Röhrl ont une histoire commune. Ce sont les racines profondes de notre passion.

L’édition 1973 est mythique ! Sur 270 partants, 140 sont bloqués par la neige au départ de Burzet. Personne ne peut plus avancer ni reculer. Quelques pilotes se retrouvent piégés là – haut, à 1425m d’altitude. La tempête fait rage sur le plateau de Lachamp – Raphaël, le plus haut et le plus Sibérien village d’Ardèche, beaucoup y laissent leurs espoirs, d’autres font sensation. Avec leurs 650 clous par pneu, les A110 franchissent les congères, notamment celle d’Andruet qui signe un scratch mémorable ! Dans la Madone, en slicks sur le verglas, Jean Claude prend des risques insensés pour venir à bout de la Berlinette d’Andersson et remporter la plus belle victoire de sa carrière.

Cet exploit occulte la première participation à une épreuve mondiale d’un longiligne allemand de 26 ans, inconnu en France. Au volant d’une Opel Commodore GSE, le pilote de RFA passe le plateau de Lachamp – Raphaël et la ligne l’arrivée, sans faire d’erreurs, en signant des chronos étonnants et en annonçant que son but ultime n’est pas de devenir champion du monde… mais de gagner le Monté Carlo. Sur ces routes, Walter Röhrl sera bientôt l’homme à battre avant de devenir une véritable légende, principalement grâce à ses 4 victoires à Monaco avec 4 constructeurs différents.

L’ancien séminariste revient au Monté Carl’ en 1975. Il est champion d’Europe en titre et pilote toujours une lourde Opel Commodore. Il claque le 5ème temps sur la neige de St Bonnet le Froid, au milieu des Lancia Stratos, Fiat Abarth et autres Berlinette. Le moteur de la teutonne casse dans le Moulinon mais l’exploit est prémonitoire.

En 1976 il termine 4ème scratch au volant d’une Kadett GTE, devant Clark, Alen et Fréquelin bien mieux armés. Il échouera à nouveau au pied du podium en 1978 mais c’est en 1980 que le talent du grand Walter se concrétise enfin.

Lors de cette 48ème édition très enneigée, l’association Röhrl – Fiat 131 – pneus Pirelli est intouchable ! Dans le Moulinon – Antraigues, le Bavarois relègue sont suivant, Waldegård, au volant de la même monture, à 2 minutes en 36km ! Darniche, vainqueur l’année précédente, monte sur la 2ème marche du podium final, mais à plus de 10 minutes du teuton. En fin de saison, Walter décrochera son premier titre mondial.

1982, 50ème édition, 750 km de chronos attendent 299 partants. Face à la révolutionnaire Audi Quattro de Mikkola, c’est sur les portions propres que Röhrl construit son succès avec son Opel Ascona 400. Grâce à l’efficacité de son pilotage épuré, il crée des écarts abyssaux ! Walter est inattaquable ! Notons la 8ème place d’un jeune Cévenol enthousiasmant de facilité au volant d’une R5 Turbo, Philippe Touren.

1983, les routes sont sèches et le rallye devient un sprint hallucinant. Le champion du monde en titre pilote alors la célèbre Lancia 037, son équipier est le très rapide Markku Alen. Une fois encore, Röhrl écrase le rallye et survole les spéciales Ardéchoises. Une fois encore, il signe un chrono fantastique sur son terrain de prédilection du Moulinon – Antraigues. Alen est KO ! Andruet, lui aussi au volant d’une 037, ne s’en remettra pas ! Le maître des cols Allemand parvient à boucler les 37km25 en 24min30… chrono jamais battu par la suite, pas même par Auriol et sa Delta Intégrale en 90 ! L’Allemand déclare pourtant avoir réalisé une spéciale mitigée, ses pneus trop tendres se sont dégradés à mi – parcours, le contraignant de piloter du bout des doigts, tout en finesse… Son équipier finlandais encaisse 34sec et humilié, décide de tout tenter dans le chrono suivant de la Souche – Col du Pendu. De son propre aveu, Markku prend des risques insensés, frôle la correctionnelle à de nombreuses reprises, attaque au delà de ses limites pour reprendre … une seule seconde à Walter en 25km. Lorsqu’il revêt sa combinaison de pilote, le séminariste devient le diable. Au Col de la Chavade, il reste encore 19 spéciales mais nul besoin de sermon, la messe est dite !

Aix les Bains, lundi 23 Janvier 1984, changement de décor et d’équipe. Il fait un froid glacial, les routes sont très enneigées et le géant Allemand a choisi de rejoindre Audi. L’art des choix ! La Quattro est l’arme fatale mais Röhrl n’a jamais piloté de quatre roues motrices. Ses équipiers sont Hannu Mikkola et Stig Blomqvist, spécialistes de la neige et du pilotage des transmissions intégrales. Dés la troisième spéciale, en Haute-Loire, dans la forêt boréale de Saint Bonnet le Froid, le nouveau pilote de la firme Bavaroise relègue le Suédois Blomqvist à 30sec en 25km. Un acompte… Puis arrivent l’Ardèche, le Moulinon, le couperet. Devant la remise d’Antraigues, la rituelle tarte aux myrtilles a un goût amer pour les Scandinaves. Walter devance Hannu de 56 sec et Stig de 1min08… tout en déclarant ne pas encore savoir exploiter sa monture. Röhrl et la Quattro deviennent les « amants diaboliques ». Le pilote Audi est aussi un expert dans la guerre psychologique ! Il est un héros anticonformiste, solitaire, franc, refusant tout compromis. Le champion Allemand semble étranger à son statut de star. Walter ne changera pas. Il pratique le ski, le vélo, il aime retourner chez lui à la campagne prés de sa femme Monika, il ne fume pas, ne boit pas…C’est un ascète qui a besoin de peu si ce n’est d’entériner qu’au volant et au Monté Carlo… il reste le meilleur du monde ! Avec la révolutionnaire Quattro de la marque aux 4 anneaux, le seigneur Allemand décroche en 1984 sa 4ème victoire Monégasque !

« L’ogre de Bavière » a réussi cet exploit unique de remporter 4 Monté Carlo avec 4 marques différentes. Dans quelques jours, seul le « loup du Champsaur » sera en mesure d’égaler ce chef d’œuvre…

Röhrl a marqué l’Ardèche et la discipline par ses exploits, sa classe autant que par une quasi – absence d’erreurs. Il fut précurseur dans cette priorité donnée à la motricité, à l’efficacité, aux trajectoires tendues, à la recherche de fluidité, dans l’absence obsessionnelle de corrections au volant. Il utilisait parfaitement toute la largeur de la route, sans jamais dépasser la limite et avouait ne jamais piloter à plus de 95%.

Röhrl reconnaissait peu et disait n’avoir aucun respect pour les pilotes qui limaient les spéciales. Quelques unes de ses déclarations restent célèbres : « un type ne doit pas apprendre à piloter, il doit avoir ça en lui, d’instinct »… ou bien : « je n’ai roulé que deux ou trois fois vite dans ma vie. C’était lorsque j’étais énervé. Le reste du temps, j’étais sous contrôle »… Walter Röhrl avait l’Ardèche au cœur et admirait un seul pilote : Jean Luc Thérier.

L’Allemand revient de temps en temps arpenter les spéciales qui ont fait sa légende mais comme nous, il se sent aujourd’hui orphelin et sait que le Monté Carlo sans la montagne Ardéchoise, c’est une hérésie.

Il fallut attendre les années 2000 pour revoir un pilote exercer une telle domination sur le Monté Carlo. Mais ceci est une autre histoire …




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bernard
bernard
4 années il y a

un pur bonheur que de se replonger dans ces années magiques qui ont forgé ma passion.. MERCI

Spectator
Spectator
4 années il y a

je vient de lire le post de Sylvain qui dit “OK pour LES étoiles du MC à condition de voir qu’il n’y avait et n’y a eu qu’UN Seigneur des Anneaux”” . Je crois que le seigneur des anneaux est une allusion à Audi et non au MC… et puis je ne suis pas sur de comprendre ton allusion “aux boches” ni quand tu dit “Schumacher à Séville tout frais” qu’est ce que ça veut dire? Merci