Les étoiles de Monté Carlo : Didier Auriol, un frisson dans la nuit



Pour ce dernier récit de l’année, Jeff évoque encore une fois le Monte-Carlo en revenant sur les exploits d’une légende de cette épreuve : Didier Auriol, trois fois vainqueur en 1990, 1992 et 1993.


Il inscrit un violent coup de volant bien avant le virage et met la voiture en glisse très tôt. Un style unique, atypique, une marque de fabrique qui fait la part belle à l’instinct. De façon imagée, on peut dire que le pilote jette la voiture en glisse afin de ne jamais être surpris par les réactions de celle-ci. Ce pilotage autoritaire, caractérisé par de brutaux changements d’appuis et de grandes glisses, fait avant tout appel au feeling. Si la voiture ne lui convient pas, il “n’en tirera rien”, si elle est réglée pour lui, elle devient le prolongement parfait de Didier Auriol qui devient alors imbattable !

Lors de sa 3ème saison de compétition, disputée avec une R5 Turbo, Didier Auriol se retrouve à 26 ans au départ du Rallye d’Antibes 1984. Face au gratin français et européen de la discipline (Ragnotti et Chatriot, Thérier, Béguin, Vincent, Fréquelin et Weber, Capone…) Didier finit par sortir de la route mais avant ça, il a eu le temps de démontrer que sur asphalte, il pouvait surclasser n’importe qui…Cette saison-là, il avait déjà réalisé son premier temps scratch en championnat de France lors du Terre de Provence sur une surface où il montre des dispositions exceptionnelles…

Le Millavois décroche le titre de Champion de France 1986 avec une Métro 6R4 et conquiert un nouveau sacre national en 1987 au volant d’une Sierra Cosworth. Il réussi cette saison là une étonnante 4ème place au San Remo.

Outre un nouveau titre Français acquis en 1988, Auriol participe cette même année au Portugal avec la Sierra où il claque un scratch sur la terre! Il est 2ème de la première étape avant d’abandonner Didier remporte sa première victoire mondiale lors du Tour de Corse 1988 avant de s’envoler pour les 1000 Lacs. Il fait la découverte du plus grand toboggan du monde où le français voit s’envoler sa Sierra Cosworth et sa renommée. Sur le terrain de chasse des « Flying Finns » l’espoir français domine les Sierra de Sainz et Blomqvist et même la M3 d’Ari Vatanen pour finir sur le podium final ! Exploit qui n’est pas sans rappeler celui d’un certain Jean Luc Thérier lors du rallye de Suède 1973. Il revient à Millau en héros et avec un CDI chez Lancia Martini dans la poche !

Monté Carlo 1989, 57ème édition. Auriol, nouveau pilote Lancia découvre l’épreuve à 31 ans. Il est très attendu. Première spéciale, Saint Bonnet le Froid, chez moi en Haute-Loire. Dans cette portion en descente, Auriol déboule vite, très vite et place un fulgurant coup de volant qui déstabilise la Delta pour le gauche qui suit… la confiance est là ! En Ardèche, le champion de France hausse le rythme et dés le second chrono à Lalouvesc, il pose plus d’une sec au kil’ à tout le monde ! Dans Château de Boulogne, la Delta – plane et inflige 19sec au tenant du titre Biasion en 30 km puis elle survole Sisteron, Puget – Theniers…Le novice fait montre d’une capacité d’adaptation hallucinante. Son sens inné de l’équilibre lui permet d’anticiper les changements de grip mieux que quiconque. En signant 10 scratchs, le débutant se révèle meilleur performer de l’épreuve mais une succession étonnante de crevaisons vont l’éloigner de l’exploit historique de s’imposer lors de sa première participation. Didier finit 2ème, laissant Biasion remporter la course, Saby est 3ème. Triplé Lancia. C’est le début d’une nouvelle ère.

Monté Carlo 1990. Didier et sa Lancia se retrouvent face à la Toyota de Carlos Sainz. Avant la dernière nuit, l’Espagnol compte 10 sec d’avance sur le Français puis, le 24 janvier à 22H57 et pour la 4ème fois du rallye, le Madrilène et le Millavois se retrouvent ex – aequo au général ! Carlos est confiant, il continue de tout donner mais à 00H04 vers Bif, Sainz se retrouve face au démon de minuit. Didier pose 10 sec en 11 km au Matador qui a le souffle court et les yeux hagards… Au Moulinet, le pilote Lancia continue sa démonstration nocturne et la Toyota compte désormais 25 sec de retard… Il reste 3 chronos et Carlos secoue la tête, dépité… Il a compris. Le samedi 25 janvier 2020, quand les concurrents du 88ème Monté Carlo sortiront du parc de Gap au petit matin, cela fera exactement 30 ans que Didier Auriol rentrait dans le cercle fermé des dieux du rallye. Didier rejoint Monaco avec 52 sec d’avance sur Carlos Sainz. Biasion complète le podium… à 3min39.

En 1991, Auriol casse le moteur de la Lancia du Jolly Club dans Burzet pendant que le nouveau pilote Ford Delecour signe devant nous son premier scratch en mondial. Au volant de la Sierra, le Nordiste survole le rallye et domine un certain Carlos Sainz… avant de casser dans la dernière spéciale. L’Espagnol s’impose. Tragique et légendaire !

1992. 60ème Monté Carlo. Armin Schwarz est leader au volant de sa Toyota puis arrive le Col du Perty où François Delecour pose 20 sec à l’Allemand ! Dans Saint Nazaire le Désert, aux commandes de sa Delta Intégrale Evolution, Didier Auriol se révolte et prend la tête. En Ardèche, son seul rival est François Delecour qui s’impose sur son terrain de prédilection de Burzet mais à Lalouvesc, le Millavois inflige 33 sec à l’étoile du Nord… en 33km. Dans Saint Jean en Royans, Delecour est maudit, il perd 3min sur bris de turbo. Avant Sisteron – Thoard, Auriol possède 50 sec d’avance sur son équipier Kankkunen et 1min40 sur la Celica de Sainz. Une voie royale. Mais on le sait depuis la nuit des temps, le col de Fontbelle est un juge de paix… En slicks dans Fontbelle, Auriol patine alors que la Toyota de Sainz équipée de Pirelli C7 cloutés découpe la glace. L’Espagnol rentre à Digne avec 49sec d’avance sur le Français ! Confortable ? Attendons de voir. Sur la route de Monaco, le pilote de Millau grappille, spéciale après spéciale mais surtout… il attend son heure !

Les ténèbres, la Couillole, la nuit du chasseur. A 1678 m d’altitude, Auriol s’envole et bascule de l’autre côté du col en tête, pour 5 sec. Le fantôme de 1990 réapparait dans le regard de Sainz. Col Saint Raphael, Didier resserre encore l’étau mais c’est un incroyable Delecour qui remporte la spéciale avec 13 sec d’avance sur le nouveau leader en 23 km ! 23h02, Utelle, le coup de grâce. Le Millavois achève définitivement le Madrilène qui jette les gants. L’Espagnol s’effondre et encaisse 16 sec en 18 km. Il reste 3 chronos et le « little big man » de Millau  possède maintenant 34 sec d’avance sur un Matador condamné. A 3h43 du matin, retour à la Couillole où Auriol décide d’enterrer là et sans regrets son adversaire. A 6h34, Didier Auriol a officiellement repris 2min54 à Carlos Sainz depuis Sisteron et remporte son second Monté Carlo avec 2min05 d’avance sur l’Espagnol et 2min57 sur Juha Kankkunen. Auriol était déjà un géant, il devient une légende.

Monté Carlo 1993. Auriol et Kankkunen débarquent chez Toyota, Sainz fait le pari Lancia avec le Jolly Club. Delecour et Biasion restent chez Ford où l’Escort remplace la Sierra. Didier est en souffrance avec sa Celica et a perdu 40sec sur crevaison. A Aubenas, le leader est un solide Delecour. Didier se met ensuite sérieusement en colère et inflige deux sévères corrections à son ennemi préféré. A Gap, il est 3ème certes mais accuse 2min17 de retard sur l’Escort ! Le pilote Toyota grappille, spéciale après spéciale mais surtout… il attend son heure ! Avant la nuit du Turini, il est toujours 3ème… mais à 1min11. La guerre des étoiles va commencer !

A la tombée de la nuit, le loup sort de sa tanière et part à la chasse aux chronos ! Sur le verglas de la Couillole, du Bleine, de Tourette du Château, Didier prend des risques insensés. Ivre de fatigue et d’adrénaline il dira : « J’ai l’impression de ne rien avoir vu, de ne plus savoir….Tu as tout qui défile, les notes qui tombent… C’est un truc de fou ! ». De ce voyage au bout de la nuit, Auriol en sortira vainqueur. Après la dernière spéciale de ce 61ème Monté Carlo, Didier ressort de St Antonin juste avant l’aube avec 15 sec d’avance sur un François Delecour anéanti. Troisième victoire à Monaco. C’est aussi le dernier sacre ici pour le couple Auriol – Occelli.

A partir de 1994, les diverses autos du passager de la nuit vont commencer à moins convenir à son style particulier. Il sort de la route alors qu’il était en tête en 1994 et 2001 et ne retrouvera jamais la monture et le feeling nécessaires pour s’imposer sur ce monument.

Il revient effectuer son 16ème et dernier Monté Carlo en 2009, associé à une autre légende, Denis Giraudet. Le Millavois n’ira pas plus loin que l’ES1 où sa 207 S2000 rend les armes avant d’avoir combattu. Les portes de la nuit du Monté Carlo se referment sur le champion du monde 1994 alors que l’épreuve accueille l’IRC. Précisément 20 ans après Didier Auriol, un autre prodige Français débarque en affichant un feeling et un talent hors norme. D’entrée, lui va gagner ! Mais cela est une autre histoire…




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Sylvain
Sylvain
4 années il y a

Vu mon age… mon pilote préféré après Röhrl 🙂

Assemat
Assemat
4 années il y a

J adore retrouver ces moments là,on écoutait rmc pour savoir les temps de la dernière nuit avec mes parents. Cette époque la était magique, j avais 7 ou 8 ans a cette époque la et c était ça la passion du rallye, du moins ça m a donné le virus. Merci rs pour ces articles. Joyeux Noël et bonne année