Walter Röhrl et le Monte-Carlo : Intouchable (2/2)



À deux jours du prochain rallye Monte-Carlo, la deuxième partie de ce récit concernant Walter Rörhl est à découvrir grâce à Jeff.

Champion du Monde 1980, mais absent à Monaco en 1981, Röhrl revient sur la terre de ses exploits début 1982. Pour la 50 ème édition, 750 km de chronos et un parcours mixte attendent les 299 partants. Les spéciales enneigées font le bonheur des révolutionnaires Audi Quattro de Michèle Mouton et Hannu Mikkola, mais sur les portions piégeuses ou sèches, Walter Röhrl et les 255cv de son Opel Ascona 400 sont diaboliques de vitesse et d’efficacité. Déjà intouchable dans les 44km de la Chartreuse où il signe un inaccessible record à 102,7km/h de moyenne, Walter écrase les Garcinets où le second accuse 33sec en 23km. En fin de première étape, il compte déjà plus de 1min d’avance sur son équipier, le redoutable Jochi Kleint. La Porsche 911SC de Guy Fréquelin est 3 ème à la lutte avec la dame d’Audi. Puis, Michèle réussit un fabuleux scratch sur la neige du Moulinet, elle surclasse Mikkola et se retrouve sur le podium provisoire, devant le « Grizzly »… Hélas, la pilote de Grasse sort de la route dans Pont-des-Miolans où la Porsche de Jean Luc Thérier fait un festival.

Le leader reprend la main dans le Vercors avant de « découper » le Moulinon. Devant « la Remise » Röhrl pose une énorme tarte à Mikkola, Fréquelin, Kleint, Thérier et Cie… Le 21 janvier, à 1h26 du matin, le pilote Opel remet une dernière gifle au suspense à Puimichel. Une démonstration nocturne, pour le sport, il n’avait déjà plus d’adversaires ! Avec 3min24sec d’avance sur Mikkola, le pilote Opel peut dérouler jusqu’à 8h17 et le dernier point-stop de Lucéram. Le 50 ème rallye Monte-Carlo consacre un véritable seigneur de la route.

Sur Rallye-Sport, nous avons récemment évoqué l’édition 1983 et la troisième victoire de Röhrl à Monaco. Comme à son habitude, c’est dans son « jardin d’hiver » du Moulinon – Antraigues que le vainqueur sortant et Champion du Monde en titre assomme tous ses rivaux. A Antraigues, l’Allemand avoue pourtant avoir effectué une spéciale mitigée, accusant ses pneus trop tendres de s’êtres dégradés à mi – parcours. Intox ? Pas si sûr…En tout cas, comme d’habitude, le « magicien » s’est adapté, il a piloté du bout des doigts, tout en finesse, et avec sa tête. Sur presque toutes les routes du monde, mais plus encore sur celles du Monte-Carlo, le talent inné et la classe de ce pilote d’exception font la différence. Comme chez Loeb et Ogier, bien plus tard… Il y a autre chose. A l’image des deux Français, l’Allemand surclassait ses adversaires dans le brouillard et la nuit. C’est un signe qui ne trompe pas. Le 25 janvier 1983, Sébastien Ogier n’est pas encore né. Walter Röhrl, lui, s’impose à Puimichel, à 4h58 du matin, avec 14sec d’avance sur Andruet, 15sec sur Toivonen, 17sec sur Guy Fréquelin et surtout, 24sec sur son équipier Alen… 1sec au kil ! En 2020, Sébastien Ogier gagne à son tour à Puimichel, à la lueur des phares.

Janvier 1984. Dernière page de la légende Röhrl – Monte-Carlo. L’insatiable « Ogre de Bavière » rejoint la marque aux anneaux, Audi. Walter a toujours piloté des propulsions et sur ce 52 ème Monte-Carlo, il va une nouvelle fois prouver qu’il est un champion inattaquable. Ses équipiers Hannu Mikkola et Stig Blomqvist, spécialistes de la glisse et des transmissions intégrales vont l’apprendre à leurs dépens… Il ne faut pas longtemps au vainqueur en titre pour prendre la mesure de la Quattro et des deux nordiques. Enième exploit pour celui qui épuise tous les qualificatifs et tous ses rivaux, sur la neige de Saint- Bonnet-le Froid. Lors de ce 3 ème chrono, l’orfèvre en pilotage ridiculise Stig : 30 sec en 25km… Dans le mythique et célèbre Moulinon, Röhrl administre 56sec à Mikkola et 1min08 à Blomqvist…Tout en avouant, à l’arrivée, ne pas encore savoir exploiter l’Audi…Intox ? Pas si sûr… En tout cas, à Antraigues, Röhrl scelle définitivement une 4 ème et dernière victoire, marquant au fer rouge le Moulinon, l’Ardèche, le Monte-Carlo, nos mémoires et des générations de passionnés.

Comme Ogier et Loeb, Röhrl a quand même été battu une fois à la régulière à Monaco. Pour le Bavarois, ce fut en 1985, par Ari Vatanen, alors qu’il pilote la Quattro-Sport et finit 2 ème . L’année suivante, le séminariste doit se contenter de la 4 ème place au volant de la monstrueuse Quattro-Sport S1 qui souffre d’incessants problèmes moteurs. Les Delta S4 et 205 T16E2 sont inattaquables et Henri Toivonen réalise la course de sa vie. Mais le pilote Audi gagne quand même dans le Moulinon, une dernière fois… Puis il perd 6min dans Burzet, sur crevaison.

Je pense que si Röhrl s’est montré quasiment intouchable sur ce rallye, c’est avant tout parce qu’il a beaucoup aimé cette épreuve atypique. Le pilote des bords du Danube avait, je crois, l’amour de ces endroits perdus, de ces lieux oubliés, de ces routes désertées, de ces villages épargnés par la frénésie de la mondialisation, et qui, l’espace de quelques jours, revenaient au centre du monde. Sur les terres du Monte-Carlo, Walter Röhrl trouvait une simplicité, une authenticité, une solitude et un équilibre qui correspondaient tout à fait à sa personnalité. Il y a une relation qui dépasse de beaucoup le seul aspect sportif.

Qui est le plus grand ? Je ne sais pas, et en soi ce n’est pas si important. Mais ce que je peux affirmer, sans me tromper, c’est que Röhrl était bien plus qu’un pilote. Il restera associé à une épreuve, à une époque, à des spéciales mythiques, à des générations de passionnés. Il restera l’homme de l’âge d’or du rallye Monte-Carlo. Combien de spectateurs, combien de passionnés ou d’autochtones retiennent ça, parmi tant d’autres choses, d’avoir vu, au moins une fois, rouler Walter Röhrl dans ce que le rallye a de plus noble et de plus prestigieux : le Monte-Carlo. Pour ses adversaires, Röhrl était intouchable, pour certains, il demeure une énigme. Pour tous, c’est une légende vivante.




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Bitonio...
Bitonio...
1 année il y a

Sans oublier, radio monte carlo, qui nous faisait vivre la dernière nuit du monte Carl…
Avec Bernard Spindler aux commandes.
J’entend encore le bruit de la berlinette de Jeannot qui arrive au CP.

A l’époque en pensionnat, planqué sous mes couvertures à vibrer de cette passion qui ne m’a jamais quitté.
8h , du matin, Le poste dans le cartable pour avoir les derniers chronos, je vous dit pas la tête de l’élève bien frais, pret à attaquer les cours d’horlogerie.

Regis
Regis
1 année il y a

Ca m’a tiré une larme.. J’ai d’ailleurs pleuré dès les premières phrases : “750km de chrono.. 299 partants” Etant ado dans les années 80, J’étais fasciné par Walter, je me rapelle ce moment feérique au départ de St Jean où j’ai pu l’approcher, le regarder et toucher sa quattro S1, et entre autres les ailettes en plastique souple courant sur les ailes, que j’avais découvert interloqué, me demandant ce que pouvait bien faire ce plastique rudimentaire sur la carrosserie d’une telle auto..! 😀 Et le rugissement lointain de la quattro tant attendu dans le Moulinon, qui restera gravé à jamais… Lire la suite »