Le rallye en long, en large…et surtout en travers ! (Stéphane Poudrel 1/2)



Ils n’ont jamais été pilotes professionnels mais nous ont émerveillé à grands coups de talons-pointes, de survirages et de décibels. Ils ont – au moins – trois décennies de rallye dans le rétroviseur et nous parlent de leur passion et du temps qui défile par les vitres latérales de leurs montures…Des propulsions de préférence !

Stéphane Poudrel : de plaisirs en triomphes

Aussi discret et humble que passionné et talentueux, Stéphane Poudrel est un pilote-préparateur emblématique. De la Kadett à la Saxo Kit-Car, de la 318 Compact à la C2R2, de la M3 à la Triumph TR7… le Drômois a -presque- tout piloté mais demeure, avant tout, le roi de la R5 Turbo en Coupe de France. C’est au volant de la plus mythique et monstrueuse production estampillée Losange que Stéphane a écrit une des plus belles pages du rallye amateur. Dans le petit microcosme du rallye on rencontre beaucoup de monde. Puis, un jour, sur votre route, à un carrefour de la vie, vous croisez Stéphane Poudrel …

Bonjour Stéphane, merci d’accorder cette interview pour Rallye-Sport. Peux-tu te présenter brièvement ?

“Bonjour et merci pour cet échange. J’ai 60 ans, je suis natif de Montélimar et j’ai une formation de mécanicien-hydraulicien. J’ai passé une grande partie de ma vie à travailler dans le TP. Une fois que ma maison a été payée, je me suis installé à mon compte en tant que préparateur.”

Peux-tu évoquer les origines de ta passion pour le rallye et le pilotage ?

“Ma première grande passion c’est la moto ! Cependant, mes parents se sont toujours opposés à ça à cause du risque…Avec du recul et me connaissant, je pense qu’ils ont eu raison. Avec mon frère Hervé qui a un an de moins que moi, nous avons toujours eu le goût de la mécanique et nous aimions aussi les voitures.”

Tu as commencé en course de côte avec une Kadett GT/E puis une Opel City. Ensuite, tu montes une étonnante R5 avec un moteur de R20 atmosphérique avec laquelle tu roules ta bosse quelques saisons et signes tes premiers exploits. Tu peux revenir sur cette période ?

“Mon rêve absolu, c’était de faire du rallye avec une Talbot Lotus ! Mais je n’avais absolument pas les moyens donc nous nous sommes rabattus sur une GT/E puis une City. Des autos à 500 « balles »… La City c’était un peu ma « petite Lotus » et j’ai toujours été un peu à contre courant. Avec Hervé, nous avons d’abord fait de la côte, faute de temps, une bonne école pour les trajectoires et pour être dans le coup dés le premier virage… ça m’a bien servi un peu plus tard ! Mon premier rallye fut la Ronde du Vercors 1981 avec une Ascona et mon frangin en copilote. La nuit, la neige : un grand souvenir! Toujours avec mon esprit décalé et déjà un peu cette réputation de « savant fou » j’achète une caisse de R5 Turbo pour laquelle Georges Quéron me prépare un super moteur atmo. Avec cette auto, je suis toujours sur le podium !”

En 1992, tu passes à une vraie R5 Turbo Tour-de-Corse. Avec elle, et Bernard Froment à droite, tu remportes le régional des Plastiques 1993. A partir de là, c’est une vendange de victoires. L’objectif devient naturellement la Finale des Rallyes Régionaux en Gironde?

“Effectivement, je vends la « Quéron » et j’acquiers une vraie R5 Turbo mais une petite « Tour-de-Corse » avec un moteur d’environ 240cv. Avec Bernard, on participe à beaucoup de rallyes et on en gagne beaucoup…une sorte de révélation. La Finale c’est la cerise sur le gâteau.”

Après 6 victoires, tu débarques à la Finale de Soulac 1993. ES1 : scratch ex-æquo avec la M3 « Delage » de Cazot. ES2 : tu perds 22sec sur tête à queue. A l’arrivée, tu finis 2ème de ta première Finale… à 25sec3 de Cazot ! On peut dire que tu as été La révélation de l’année 1993 non ?

“Avec du recul on peut dire ça mais moi, au départ, je ne croyais pas franchement en mes capacités ! J’ai toujours couru pour le plaisir, sans plans de carrières mais en me donnant à fond et sans tricher, surtout sans tricher ! Donc, on est parti à fond dés le premier virage et on se retrouve en tête ex-æquo avec Cazot…Nous manquions de puissance dans toutes les allonges, nous avions de petits freins et j’ai voulu un peu trop compenser… Mais cela a été un déclic et puis on sentait que le public était avec nous et ça c’est extraordinaire. Surtout, à Soulac, j’ai fais des rencontres formidables dont Mr Savoye de Berck-sur-Mer qui va nous donner de grands coups de main par la suite…”

En tout cas, dans le Médoc, tu deviens un peu le « docteur ès-R5 Turbo » archétype du pilote-préparateur doué, porte-drapeau de l’amateurisme et du GrF. Est-ce que tu en as eu conscience ?

“Non, pas du tout ! Pas sur le coup en tout cas. J’ai toujours eu de bons contacts avec les gens, j’ai toujours respecté mes adversaires ainsi que le public et j’adore les gens passionnés. Je suppose que je suis quelqu’un de gentil et il y a un lien, un côté amical et fraternel qu’il faut absolument maintenir. Tu sais, un peu plus tôt dans ma vie, j’ai connu un primeur de ma région qui était un vrai passionné de rallyes et il croyait beaucoup en moi. Il a acheté une 205 pour que je fasse le Volant Peugeot à l’époque de François Delecour et que je gravisse les échelons…et j’ai refusé ! Je me suis toujours senti dans la peau d’un amateur. Je préfère être un bon amateur qu’un mauvais professionnel ! La vie de pro ce n’est pas pour moi. Mon éducation m’a enseigné que le lundi, il fallait être au boulot !”

Les résultats sont venus naturellement grâce à ton talent mais en réalité, tu as pratiqué le rallye pour l’adrénaline, l’ambiance, le spectacle et surtout : faire plaisir au public ! C’est ça ?

“Oui, c’est vraiment ça ! Pour l’adrénaline, le plaisir, le copilote, les spectateurs, la passion, les copains, la découverte de nouveaux terrains, les nouvelles rencontres. Après la Finale de Soulac, j’ai eu la chance de rencontrer des gens qui m’ont aidé, sans eux rien n’aurait été possible. Et puis, il ne faut pas oublier que parmi les spectateurs, il y a beaucoup de gens qui n’ont pas eu la chance ou l’argent de rouler et qui resterons des talents inconnus. J’ai été chanceux et privilégié.”

En 1994, tu vends ton auto pour acheter une R5 Tour-de-Corse ex-Alibert, un véritable « avion » ! Tu remportes 5 courses et franchi alors un nouveau cap.

“Quelle histoire ! J’attaque la construction d’une maison avec ma femme et c’est alors que Jacques Arzeno (le père de Mathieu) -qui nous a quitté récemment- m’appelle en me disant que je peux faire le « coup du siècle » en rachetant à bon prix une ex-Alibert mais qu’il faut faire vite ! Je n’avais pas du tout prévu ça mais une vraie « Tour-de-Corse » c’était mon rêve ! Je n’ai même pas pu essayer la « bête » mais je suis revenu avec ! Le problème, c’est qu’elle possédait un moteur 1700cm3 : pas question de rouler avec ça ! Grâce à Mr Roussel de Thiers, je trouve un authentique 1397cm3 et avec l’aide de Mr Savoye, je me retrouve au volant d’une vraie Tour-de-Corse. Avec Bernard Froment en copilote, à partir du Velay Auvergne 1995 on gagne tout !”

Début décembre 1995, tu as rendez-vous avec des spéciales légendaires et la Finale de la Coupe de France au Cannet mais aussi avec Ton histoire. Tu claques le meilleur temps dés l’ES1 devant une meute de M3 : Gany, De Meyer, Rouillard, Mourgues…D’emblée, la victoire te semble possible ?

“Je travaillais beaucoup, je suis arrivé fatigué, épuisé… battu d’avance. Cilti Sport avait mis de gros moyens pour décrocher la victoire, Dominique De Meyer était chez lui. La première spéciale des Trois Ponts de 4km35 avait été empruntée lors du dernier Grasse-Alpin. Bugalski avait réussi 2min13 avec la Clio Maxi, son équipier Ragnotti était en 2min14. Bernard Froment me motive à fond, je pars à bloc, je prends tous les risques et je réussi le scratch en…2min14 ! Là, je me suis dit : on peut le faire ! J’ai roulé comme ça jusqu’au bout, attaque maxi. Les routes étaient géniales, Bernard a été fantastique, le public nous a galvanisé et malgré les pièges, malgré le verglas, malgré la fatigue, malgré les magouilles et coups bas (!) je réussis la course de ma vie pour décrocher la Coupe de France devant une foule gigantesque. J’étais le petit poucet face à un ogre et les gens m’ont soutenu, porté, c’était émouvant. Hugues Delage m’a appelé pour me féliciter !

Malheureusement, j’étais un peu naïf sur la nature humaine et lors de cette Finale, je suis tombé de haut face aux comportements de certains…”

Les routes de l’arrière-pays Niçois ou du Var convenaient aussi beaucoup mieux à la R5 que Soulac non ?

“Ah oui, clairement, et au pilote aussi ! Les routes du Var et de l’arrière-pays Niçois sont mes préférées. J’ai toujours eu un pilotage instinctif et comme j’ai horreur de reconnaître, il faut que les routes me parlent. J’ai beaucoup aimé d’autres tracés comme le St Marcellin, Autun ou chez toi au Monts Dôme (2ème en 2007 avec la Saxo Kit Car derrière « Tutu ») ou au Velay mais j’adore les routes du Sud.”

=> La deuxième partie de cette interview est à retrouver dès demain.




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saxonic
saxonic
2 années il y a

Merci rs et m. Poudrel, les milieux pro en compétition manquent d’humanité souvent, quel bonheur de lire cet article, des gens qui ne sont pas de ma génération, et qu’il est bon de découvrir

Nismo
Nismo
2 années il y a

Sacrée finale à Cannes….
Tout le monde ( presque tout le monde) attendait De Meyer ou Mourgues, et Poudrel a dynamité la course, un peu comme Astier 20 ans plus tard.

Il a encore un sacré coup de volant, pour ceux qui l’ont vu en VHC encore récemment.
Et le son de sa Triumph….vavavoum….