Le cercle des pilotes disparus : Richard Burns, l’élégant



Sur la route du Monté Carlo 1998, nous faisons une halte au café – restaurant « Chez Maryse » à Barrême. Dés qu’on entre dans l’établissement, on est frappé par les dizaines de photos et de coupures de presse collées au mur qui toutes, évoquent le héros local, Patrick Magaud.

Maryse est la belle-mère de Patou. Nous prenons place tandis que Patrick revient de son footing. Nous engageons la conversation avec lui, la première chose qui nous dit est : “Cette semaine, j’ai assisté à une séance d’essais de Mitsubishi dans le coin. J’ai vu rouler Richard Burns. Il est impressionnant, au Monté Carlo il va découvrir les spéciales mais je pense que ça va être la surprise ! Tu verras ça…”

Vendredi 8 aout 2003, Jukojarvi, huitième spéciale des 1000 Lacs. Sur sa 206 WRC, Richard Burns vient d’obtenir le scratch dans Ruuhimäki. La lutte pour la victoire se joue entre l’Anglais, la seconde Peugeot pilotée par le tenant du titre Marcus Grönholm et la Ford de Markko Märtin. Lors des deux éditions précédentes, Richard Burns a échoué à la 2ème place derrière Grönholm. Après avoir reconnu les 22km, nous décidons de nous placer derrière des bouleaux après un léger gauche en « ciel » et avant un droite/gauche. Mais nous avons sous-estimé la vitesse d’approche… En réalité, le léger « ciel » est une véritable rampe de décollage…La Peugeot N°2 surgit du sommet dans les airs, le nez en sens opposé au droite qui arrive, le moteur à plein régime ! Au moment de l’atterrissage, son pilote, extrêmement calme et posé, place un coup de volant ample et précis pour jeter sa 206 WRC dans la corde du droite et, ce faisant, provoque un violent transfert de masses qui déséquilibre sa monture, propulsée tel un boomerang dans le gauche sans que son pilote n’est beaucoup à corriger l’angle de volant… Ahurissant ! Nous sommes figés. Moment furtif, à la fois fulgurant et calme, doux et dingue, le styliste Richard Burns dans toute sa splendeur. Perfection des trajectoires, style coulé, ballet ininterrompu de glisses toujours amples et sans cassures, Burns incarne l’élégance absolue. Märtin réussi le scratch, 1sec6 devant Grönholm et Burns ex-æquo, à 125km/H de moyenne. L’estonien remportera le rallye mais le pilote de la Peugeot N°2, lui… ne reviendra jamais au pays des lacs et du père Noël.

Richard Burns est né le 17 janvier 1971 à Reading dans la vallée de la Tamise. Le Finlandais Pentti Airikkala (vainqueur du RAC 1989) est un proche voisin de la famille Burns. A 11 ans, le petit Richard intègre un club où des enfants peuvent apprendre les rudiments de la conduite sur diverses voitures. Le club organise aussi des compétitions et le jeune Burns décroche sa première victoire à 13 ans. Pentti apprend à Richard les bases du pilotage en forêts et il s’avère que ce dernier est doué, très doué. En 1988, Burns fait ses grands débuts en rallye au volant d’une Talbot Sumbeam et impressionne par sa vitesse et son style. En 1989, le jeune rallyman rencontre l’homme providentiel, David Williams. Convaincu par la pépite de Reading, David décide de fournir une 205 GTI GrN à son poulain et de le propulser en Coupe Peugeot GB 1990. Dés sa première confrontation avec une cinquantaine de pilotes, Richard atomise ses concurrents et ramène la Coupe ! En fin de saison, l’espoir participe à sa première manche mondiale à domicile, au RAC. Au volant d’une 309 GTI GrN, le Britannique finit 28ème scratch. En 1991, il rempile en Coupe Peugeot qu’il survole. Du coup, il dispose de son premier volant officiel au RAC, celui d’une 309 GTI GrA et il termine 16ème scratch.

Williams procure une Subaru Legacy GrN à son champion début 92, ce dernier remporte sa catégorie dés la première course, réussi 4 podiums scratch et rafle le titre de « champion Mintex National Rally ». Des performances qui ne passent pas inaperçues chez Prodrive qui lui fourni une Legacy GrA pour la saison suivante. Richard s’offre 4 victoires et le titre de Champion de GB 1993. A 23 ans, Burns se voit propulser par Prodrive pour disputer le championnat Asie-Pacifique 1994 avec l’Impreza 555. Il termine 3ème mais en réalité, il ronge son frein et rêve de mondial. Au Portugal 1995 son rêve devient accessible, il se classe 7ème et surtout, en fin de saison, il participe au RAC qu’il termine 3ème derrière ses illustres équipiers Mc Rae et Sainz. Mais Prodrive ne semble pas encore prêt à évincer ses deux stars pour embaucher le grand rouquin de Reading. Burns est vexé et fait ses valises.

Conquis par le talent du jeune Burns, Andrew Cowan le récupère et lui confie une Mitsubishi Lancer officielle pour un programme mixte Asie – Pacifique et Mondial en 1996. L’année est compliquée, Burns donne du boulot aux carrossiers…En 1997, Richard débarque pour une saison plus étoffée en championnat du monde, il a appris de ses erreurs, se concentre sur l’essentiel. Avec la Carisma, il monte sur la 2ème marche du podium du Safari, s’illustre par une belle régularité aux portes du podium toute la campagne et s’offre son premier scratch sur un terrain qu’il adore, l’Argentine. Au RAC, il échoue en 4ème position mais claque 9 scratchs ! Richard est un infatigable travailleur, il veut comprendre, s’améliorer, sans répit. Il déclare : “…tu en ramasses plein la gueule parce que les conditions d’adhérence ont varié sans cesse, parce que tu ne sais pas gérer tes pneus, parce que…que sais-je encore ?… parce que tu n’es pas Makinen ou Mc Rae. Pas encore !…La confiance doit se doubler de patience”.

Cowan décide de jeter Burns dans le grand bain en 1998, il sera équipier de Tommi Makinen en WRC. Alors qu’il découvre le Monté Carlo, Richard occupe un moment la 3ème place. Dans Lambruisse, il échoue à 2sec8 de Makinen, à Sisteron il fait le 3ème temps puis le 2ème dans St Antonin…Dans le Corobin, aux portes de « Chez Maryse », l’Anglais claque le 2ème chrono, devant Sainz…Patou avait raison, on a vu ! Il finit 5ème à 1min23 du vainqueur Carlos Sainz. Un mois plus tard, l’espoir de la marque aux diamants remporte le Safari, sa première victoire mondiale. Il accompli une saison magnifique et termine 5ème en Finlande alors qu’il débarque sur le toboggan des 1000 Lacs où il livre une magnifique bataille avec Didier Auriol. Richard loupe la 4ème place pour 27 sec mais éclabousse la mythique spéciale de Ruuhimäki (déjà) de son talent en s’y offrant un magnifique temps scratch. En fin de championnat, Burns s’impose enfin « at – home » sur les chemins de son enfance. Il remporte le RAC avec 3min46 d’avance sur Kankkunen mais durant 15 spéciales, une lutte fratricide pour la couronne l’a opposé à la Subaru de Colin Mc Rae. Pour les deux Britanniques, c’est l’apogée de la saison. Dans l’ES 15, Myherin, Richard revient à 15sec2 de l’Ecossais. Puis Colin perd d’un coup 18sec6 et le pilote de Reading s’installe en tête… « Braveheart » entre alors dans une colère folle et fait voler (euphémisme) sa Subaru pour reprendre la tête puis perd tout dans Sweet Lamb, moteur cassé. Au 12ème siècle, Richard Cœur de Lion était aussi appelé le roi pressé. Richard Burns est très pressé et rejoint la légende à son tour.

En 1999, la nouvelle star repart chez Subaru et Mc Rae file chez Ford. Burns sera vice-champion du monde. Certains considèrent alors Richard comme quelqu’un d’arrogant ou méprisant mais ce n’est peut être qu’une façon de se protéger ! David Williams dit de lui : “Il ne sait pas se comporter en public. Il s’en fait un monde et y perd son naturel…ses réflexions cassantes, en apparence méprisantes, sont sa carapace”. Burns remporte l’Acropole, l’Australie et conserve sa couronne de majesté au RAC. Mais une fois de plus, c’est sa prestation Finlandaise qui impressionne. Avec son fidèle copilote Robert Reid, Richard fait vaciller son équipier Kankkunen. A partir de Mokkipera, l’Anglais se montre l’égal des Flying Finns et prend la tête de cette course vers les nuages. Dans l’ES 7, c’est la Peugeot de Grönholm qui lui ravit le commandement puis Keke prend l’avantage dans l’ES 10 à l’issue de laquelle nos 3 hommes volants sont regroupés… en 3sec ! Dans le juge de paix d’Ouninpohja, temple de la vitesse, la plus belle et folle spéciale du monde, les vitesses atteintes sont vertigineuses, le chrono s’affole et le rythme cardiaque aussi. Juha Kankkunen, transcendé par le sisu et ses supporters réussi 16min26… à 124,9 km/H de moyenne ! La 206 de Grönholm concède 7sec3, Sainz 8sec, Mc Rae 15… Richard Burns n’abandonne que 4sec9 à son équipier, c’est un exploit certes mais il devra néanmoins se satisfaire de la seconde place finale, à 9sec7 de Juha. Il y a des défaites qui en disent plus que certaines victoires !

En 2000, l’Anglais de Prodrive « se contente » à nouveau de la place de vice-champion du monde derrière Grönholm. Il conquiert aussi une des plus belles victoires de sa carrière en Argentine, qu’il survole littéralement et le RAC, bien sûr…

La consécration advient en 2001. Pourtant, le début de saison est laborieux. Au Monté Carlo, Richard est 4ème quand l’Impreza rend les armes dans Turriers. Malchanceux, il achève la Suède en 16ème position et doit attendre le Portugal pour enfin décrocher son premier vrai résultat, une 4ème place. En Argentine, nous assistons au choc des titans. A partir de la 5ème spéciale, Colin Mc Rae et Richard Burns sont seuls au monde. Le pilote Subaru a déjà perdu 47sec sur le protégé de Malcom Wilson à l’issue du 5ème chrono mais il en reste 16 et il veut battre Colin …Les deux hommes sont à limite, c’est une bataille « d’extra-terrestres » au dixième. Dix spéciales plus loin, le rouquin a repris 10sec à l’Ecossais. Il ne reste qu’une étape et 6 secteurs à parcourir. Richard dégaine le premier mais Colin réagit instantanément. Reste 31sec8 à combler. Dans Chamico, Burns prend tous les risques et reprend 6sec4 en 24 bornes à son ennemi préféré. Reste 25sec4. Dans El Mirador, Richard Cœur de Lion domine et entrevoit un espoir, il récupère encore 3sec6 et espère une faute de Mc Rae. Mais il reste moins de 40km… et Mc Rae ne craque pas, il remporte le rallye avec 26sec9 d’avance sur Burns. Les autres sont loin… En parfaite osmose avec l’Impreza S7 WRC, Richard veut sa revanche et elle viendra sur la plus belle terre du monde. Le terrain ondulé de la Nouvelle Zélande sied à merveille au style du virtuose de Reading. Là, le pilotage est à la fois plus agréable et moins dangereux qu’en Finlande. Le parcours est un immense toboggan de courbes larges et rapides, relevées, sans cassures ni obstacles. Burns a déjà remporté cette épreuve en 96 mais hors championnat du monde. Seulement voilà, pour cette édition 2001, une épaisse couche de gravier tapisse le parcours et fausse le jeu. Burns mène alors une course intelligente et tactique au contraire de Mc Rae qui faute. A Auckland, Richard remporte le rallye devant Colin. Dans l’ancienne colonie Britannique, le pilote Prodrive revient à 9 points de Mc Rae et Makinen au championnat. Un tournant. Quatre manches plus tard, dans les forêts galloises, les trois hommes peuvent encore êtres titrés. La lutte finale. Mais le feu d’artifice n’est qu’un pétard mouillé, Makinen casse un bras de suspension dans l’ES2 et Mc Rae qui est partit à bloc réduit sa Focus à l’état d’épave dés l’ES3. Richard Burns déroule et enlève sa première – et unique – couronne mondiale à domicile pour deux points face à Colin Mc Rae avant de rejoindre Peugeot. Pentti Airikkala et David Williams peuvent être fiers !

En 2002, l’Anglais aura beaucoup de mal à s’intégrer dans l’équipe tricolore où il n’est plus tout à fait Richard Cœur de Lion…Pourtant, sur l’asphalte Catalan il accroche une probante seconde place entre les spécialistes Panizzi et Bugalski. Sur le bitume du Deutschland, Richard passe même à 14 sec de sa première victoire sur le goudron. Victoire décrochée par un certain… Sébastien Loeb. En Finlande, il claque 10 MT mais perd 1min30 dans Ouninpohja et écope d’une pénalité, il s’incline face à son équipier Grönholm, une fois encore. Lors du RAC, il est « seulement » 3ème quand il sort de la route. Il ne sait pas encore qu’il s’agit de son dernier rallye dans ses forêts…Cette saison là, Grönholm est devenu son plus redoutable adversaire mais Richard Burns va en connaître un bien pire, bien plus insidieux. Un an plus tard, avant le Rallye de Grande Bretagne 2003, il fait un malaise. Une tumeur au cerveau ronge l’étoile de Reading qui, pour la première fois de sa vie, doit affronter un adversaire bien trop fort pour lui. L’étoile s’est éteinte le 25 novembre 2005. Richard Burns n’avait pas encore 35 ans. Son élégance et son style restent inégalés.





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jmb17
jmb17
4 années il y a

Un pilote extrêmement gentil. Une personnalité et un caractère bien trempé ! Richard, il ne fallait pas les lui casser.

rh74
rh74
4 années il y a

Tout petit, je n’avais qu’un nom à la bouche quand on me parlait rallye. C’était Richard Burns. Le WRC c’était Richard Burns et personne d’autre à travers mes yeux d’écolier. Après mes devoirs, sur l’ordinateur de la famille, c’était Richard Burns Rally… Quel pilote, quelle période, sans doute l’age d’or des WRC selon moi. Un matin froid et gris de novembre mon père m’annonce que mon idole d’enfance a disparu. Des larmes et beaucoup d’incompréhension s’en suivent. Je n’avais que 10 ans mais ça restera gravé à jamais dans ma tête. Un très bel hommage que nous avons ici grâce… Lire la suite »