Le rallye en long, en large…et surtout en travers ! (Eric Thuel-Chassaigne 1/2)



Ils n’ont jamais été pilotes professionnels mais nous ont émerveillé à grands coups de talons-pointes, de survirages et de décibels. Ils ont – au moins – trois décennies de rallye dans le rétroviseur et nous parlent de leur passion et du temps qui défile par les vitres latérales de leurs montures…Des propulsions de préférence !

Eric Thuel-Chassaigne : « partager les bons moments ! »

Pour ceux qui ont suivi les aventures rallystiques d’Eric Thuel-Chassaigne, le profil de l’Auvergnat présente de nombreuses similitudes avec celui d’un certain Cédric Robert. Comme Cédric, Eric dispose d’une aptitude innée pour la glisse, il a en lui la vitesse et le sens du spectacle, la capacité de s’adapter rapidement à n’importe quelle monture et…une fiabilité quasi-absolue ! A ceci près que « Tutu » n’a jamais atteint le plus haut niveau. Pourquoi ? Comment ? Il nous explique tout et plus encore …

Bonjour Eric, merci d’accorder cette interview à Rallye-Sport pour inaugurer cette nouvelle rubrique. Peux-tu te présenter brièvement ?

“Bonjour, tout d’abord merci à toi pour cette initiative. J’ai 51 ans, je suis gérant d’une société dans le monde de la plongée sous- marine et domicilié à Escoutoux près de Thiers, en Auvergne.”

Peux-tu revenir sur tes débuts à l’aube des années 90. Quelles sont les origines de ta passion pour le rallye et le pilotage ?

“Tout a commencé en suivant la famille Janvier de Viscomtat. J’étais à l’école avec Philippe (JPH’pub) et on avait encore des mobylettes … Des essais pré-rallyes avec le père Roger dans la R5 turbo aux sorties nocturnes dans la neige en 104 ZS avec Pascal ou dans la R5 alpine de Patrice… Mais tout a commencé à l’initiative de Jean Paul Cottier (client de la famille Janvier, malheureusement disparu lors du Régional des Noix 2001) pour que je puisse le copiloter sur le Montbrisonnais 1991 dans une Mercedes 190 ex-Snobeck ! A la suite de ça, il m’a prêté sa R5 GT turbo pour deux 2 courses de côtes et deux rallyes : 2ème du GrN à la C/C de Viverols et 1er chez moi à Escoutoux… Le pas était franchi et j’ai investi dans ma première GT turbo, une ex Patrice Janvier !”

En 1992, je participe à onze courses de côtes : huit victoires et trois 2ème place de GrN et je termine 1er de la ligue d’Auvergne dans cette discipline. J’effectue aussi trois rallyes régionaux avec trois 2ème place de groupe à la clé ainsi que le National des Monts-Dôme où on réalise le temps scratch dans la légendaire spéciale le Trevy -Vollore-Ville ! (Pour l’anecdote, on est resté 2 minutes au point-stop car tout le monde pensait qu’il y avait un problème de chrono…) Malheureusement problème mécanique, donc abandon !”

L’année suivante, avec la R5 GT GrN, tu décroches ta première victoire de classe au rallye des Noix en échouant à seulement 5sec du scratch face à la M3 d’Eric Peyrache ! C’est la saison de la confirmation non ?

“1993 c’est pour moi l’année du service militaire mais je fais tout de même cinq rallyes couronnés par deux victoires de GrN à Busset et au Noix donc. Il y a eu également une bataille de fou avec Fred Morel et François Grandjean (M3 GrA) au Monts-Dôme qui se solde par une 3ème place scratch et la 2ème du GrN !”

1994 : découverte de nouveaux terrains avec, entre autres exploits, un chrono stratosphérique au National de Brives et un temps scratch au Velay pour atteindre la Finale de Tournus, en apothéose. Saison fantastique non ?

“C’est ma plus belle saison en « soufflette » : huit courses, cinq victoires de groupe et effectivement une magnifique Finale à Tournus où on termine 1er des R5 GT sur 25 mais surtout 3ème N4, intercalé entre les Escort RS Cosworth… (J’ai pour ma part le souvenir inoubliable de l’entrée hyper rapide du village de Boyer où il y avait trois pilotes qui volaient nettement au-dessus du lot : Delage, Jalouzot et… Thuel- Chassaigne)… Du coup, Pascale Cizeron ma copilote en a même écrit un bouquin  « Tutu le petit pois et moi » !

On finit à nouveau 1er de la ligue d’Auvergne mais en rallye cette fois (on ne doit pas être très nombreux a avoir fait le doublé C /C – Rallye !) ce qui nous donne droit à la bourse de pilotage allouée par la ligue grâce à laquelle j’ai participé à la sélection du volant Elf-Winfield. Sur 2000 participants, je me classe 5ème sur le circuit de Montlhéry et au Castellet. Les moniteurs ne comprenaient pas comment je pouvais faire des temps en pilotant tout en glisse une Formule Renault ! Peut-être une prédisposition future pour la propulsion ! Cerise sur le gâteau : je suis nominé pour le titre tant convoité « d’Espoir de l’Année Echappement 1995» parmi Vincent Leduc, Franck Montagny, José Adam… Ce dernier sera l’heureux élu !

Néanmoins, tu t’engages dans le Volant Peugeot 1995 qui se dispute en 106 N1. Dés la 2ème manche sur le national de Lorraine, tu triomphes dans cette formule devant… Vincent Leduc et rentres 10 au scratch ! Tu pensais gagner aussi rapidement?

‘Pour être franc, pas du tout ! Sous l’impulsion de mes sponsors, il fallait changer de cap d’où le Volant Peugeot 1995. Avec Jean- Paul Cottier à ma droite, on a bien galéré pour notre baptême au Grasse-Alpin mais on a compris nos erreurs avec une voiture de seulement 100cv et… notre carence en recos !

Du coup, bouleversement lors de la seconde manche en Lorraine : tout le monde avait reconnu sur le sec et tout le rallye se déroule… sous la pluie. On gagne la manche en 106 et on s’est fait démonter le moteur aux vérifications finales. On a tout ramené en pièces derrière les sièges mais quelle fête le soir dans le gîte !… Au passage, un grand Merci à Patrick Echaubard, à Jean-François et Jean-Claude qui ne comptaient alors pas leur temps pour préparer la 106 et faire l’assistance.”

Après une prometteuse 5ème place finale dans ce Volant Peugeot, tu rempiles en 1996… qui fut l’année des désillusions. Pourquoi ? Qu’est ce qui t’as manqué ?

“Avec du recul, il ne devait pas manquer grand-chose, sauf être affilié avec un préparateur sous- traitant de Peugeot… Après le Lyon-Charbo où on termine 2ème en volant avec mon copilote Laurent Magat, on a eu des désillusions jusqu’à la Montagne Noire et la fin de saison. Dans les spéciales en descente, on faisait des scratchs mais dès que ça montait, on était à la ramasse… Je suis allé échanger le boîtier (normalement tiré au sort) et on m’a signifié que je n’aurais jamais dû avoir celui là ! Donc, à partir de ce moment là, tu comprends qu’on est pas tous logés à la même enseigne ! Du coup : adieu Volant Peugeot !

C’est vraiment rageant, mais de 1996, reste ce Lyon-Charbonnières, 2ème des 106 derrière Boetti mais 2sec devant Fabien Véricel après un duel de dingues. Dans Ranchal, spéciale la plus rapide du Championnat de France, tu claques le 16ème temps scratch… ex-æquo avec Véricel ! T’avais clairement le niveau !

D’un côté, on a dérangé certaines personnes de la marque mais on a eu aussi, en effet, des grands moments de sport avec des performers tel que Fabien Véricel, Michel Boetti et pleins d’autres. La formule de promotion c’est un apprentissage fondamental pour réussir en rallyes. On ne peut rien laisser au hasard, pas même la connaissance des routes (je ne souhaite pas parler ici des 20 passages en reco de certains…).”

Une page se tourne et on te retrouve en 1998 et 1999 au volant d’une Mitsubishi Lancer Evo IV GrN avec de très belles performances à la clé. Pourquoi ce choix ?

“J’avais un ami (plus de ce monde), Jean Debarges, avec qui nous sommes allés voir Tommi Mäkinen en test avec Mitsubishi à Escoutoux. Trois jours après, Jean me téléphonait pour monter avec lui chez Colsoul en Belgique… et avec une remorque ! Par la suite, le projet fut élaboré rapidement avec Laurent Magat afin d’attaquer quelques grands rallyes sur la Lancer du préparateur Belge. Nous faisons ensemble quatre courses de CF en 1998 : 2ème du GrN au Limousin, casse du pont au Mont Blanc … 1999 : nous descendons en 2ème Div car il fallait trop de temps pour participer aux épreuves du Championnat de France. Six rallyes : 1er GrN au Montbrisonnais (j’y étais et en voyant Tutu, j’avais un peu l’impression de voir passer Mäkinen par « les portes ») au Monts-Dôme et à la Montagne-Noire. D’ailleurs, pour l’anecdote, au départ d’une spéciale « pourrie » lors de ce Montagne-Noire que nous finissons 3ème au scratch, les gens de Peugeot-Sport sont venus me voir pour me demander ce que je préconisais au niveau pneus pour les 106 de la Coupe et que si je voulais rempiler en Volant, ils m’aideraient…Je leur ai expliqué le reste gentiment !”

Finale de Gérardmer 1999 : le verglas, la neige…et toi au départ avec une 4RM et les bons pneus. On se dit alors que pour Tutu  le jour de gloire est arrivé. On connait la suite (annulation de l’épreuve à cause de la neige) Immense déception ?

“Ah oui, Patrick Echaubard avait récupéré des neiges-cloutés au circuit d’Issoire et avec Laurent Magat, on était prêt à en découdre ! On s’était déjà bien régalé pendant les recos avec la GT Turbo équipée de lamelles en se tirant la bourre avec… Sébastien Loeb et Daniel Elena et leur Saxo ! On a quand même brûlé un peu d’essence le soir autour du gîte avec plusieurs copilotes (d’un instant) dont Jean-Marie Cuoq !”

La deuxième partie de cette interview est à retrouver dès demain.




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Froment Baptiste
Froment Baptiste
2 années il y a

Génial ce type d’interviews ! J’espère que vous avez prévu de faire un article sur Stéphane Poudrel 😉

enzo
enzo
2 années il y a

c’est bien de casser le mythe de l’égalite sur le papier en formule de promo !