Le rallye et l’électrique, une association inévitable



S’il y a bien un sujet qui dérange en rallye, c’est celui de l’électrique. Alors que la FIA a misé sur l’hybride à partir de 2022, des constructeurs souhaiteraient une transition encore plus rapide vers l’électrique, technologie prédominante dans un futur proche. 

Pour mener à bien cet article, nous avons contacté Didier Malga, membre actif de la commission énergie nouvelle à la FFSA, mais également champion du monde des rallyes énergies nouvelles en 2018, championnat labellisé à la FIA.

Nous avons d’abord évoqué le parcours de Didier dans le sport automobile en électrique, puis fait un tour des sujets clivants pour répondre aux interrogations et avis les plus communs autour de ce sujet.

Et à moins d’être aveugle, il est de toute manière claire que la transition est déjà en marche, et inéluctable, et que sans constructeur, le rallye mourra à petit feu.

Suite à cet interview, Didier Malga s’engage à répondre à vos commentaires, même pour les plus passionnés d’entre vous.

Une petite présentation s’impose déjà.

“Je fais partie de la commission énergie nouvelle à la FFSA. On travaille principalement sur l’élaboration des règlements. J’ai été intégré à cette commission suite a la création du trophée de Frances des rallyes énergies nouvelles.

Avant de rouler en électrique, j’ai participé à de nombreux rallyes modernes dans les années 80, notamment avec des Autobianchi et des Talbot Samba. J’ai ensuite roulé en historique avec notamment une victoire au Tour de Corse 2015 en VHRS, en doublure du WRC.

Quel est votre parcours dans ce milieu de l’électrique ?

“J’y suis arrivé un peu par hasard finalement. En 2015, j’étais sur la liste d’attente du Monte-Carlo Historique et je n’ai pas été retenu. On m’a alors proposé de participer au eRallye Monte-Carlo qui acceptait alors toutes les voitures sauf gazole/essence. Il y avait 85 voitures au départ et j’ai participé au volant d’une Peugeot 208 GTi qui roulait au Bioéthanol. L’ambiance m’a beaucoup plu et c’était très sympa.

L’année suivante, ce eRallye était limité aux électriques et hybrides, donc il y a eu beaucoup moins d’engagés. Suite à cela, j’ai appelé des organisateurs en France pour pouvoir faire rouler mon trophée ENRS en rallye de doublure en championnat de France (3 fois en 2017 et 2018). En 2019, on a le Mont-Blanc et le Var dans ce trophée.

J’ai remporté le titre national en 2016 et 2017, puis le championnat du monde des rallyes énergies nouvelles avec une Renault Zoé et une Tesla Model S. J’ai d’ailleurs eu le plaisir de recevoir Jean Todt dans le Cantal pour me dédicacer le trophée F1.

Cette année, nous sommes à la mi-saison seulement, il y a 13 épreuves et c’est beaucoup trop. Nous étions le week-end dernier en Islande. Ils sont bien au point sur la géothermie pour fabriquer de l’électricité, et se sont servis de cet événement pour promouvoir l’électrique. Nous avons également été en doublure du rallye des Açores (ERC). On a fait la fameuse spéciale de Sete Cidades notamment et son volcan. La moyenne était de 45/50 km/h, et avec la BMW i3 sur la terre, on avait pas mal de marge, notamment grâce à son centre de gravité très bas.”

Mais j’imagine que vous vous intéressiez un peu à cette technologie avant de devenir pilote en championnat électrique ?

“J’ai toujours eu une sensibilité à ça, oui. Des rencontres se sont faites et désormais, j’ai le soutien de l’école d’ingénieurs Sigma à Clermont-Ferrand. L’électrique donne une image d’innovation. J’organise des conférences sur la transition énergétique et le sport automobile permet d’illustrer tout ça.

Pour moi, deux moyens sont possibles pour faire cette transition écologique. Premièrement, l’écologie punitive, ce qui est à mon sens ridicule avec les mesures du gouvernement. Et deuxièmement, se servir du sport auto comme vecteur de communication. Il faut bien se dire que l’on peut se marrer à conduire ses autos belles et performantes. Je suis épaté même en roulant avec une Zoé, bien plus agile qu’une Tesla sur des routes forestières par exemple.

Quand je fais monter des gars en baptêmes sur circuit, comme à Charade, ils tous épatés, même pour les plus sceptiques.

C’est devenu une vraie passion, le thermique m’intéresse toujours, attention. Je ne suis pas un écolo, mais simplement un amateur de bagnoles. Quand vous pensez à la Tesla Model X P100DL qui développe 800 cv en 4 roues motrices, il y a de quoi rêver.”

Pourquoi le rallye au plus haut niveau, doit faire cette transition et s’intéresser à l’électrique ?

“On sait que le sport auto est financé et vit grâce aux constructeurs. En Europe, du moins en Allemagne par exemple, les voitures thermiques ne seront plus commercialisées à partir de 2030 (en 2040 en France). Tous les constructeurs se plongent là-dedans. Le VH continuera et tout le monde pourra encore voir de vieilles thermiques.

Si la transition n’est pas faite rapidement, tout le monde sera à pied et le championnat du monde n’intéressera plus personne.”

Quel est ton avis sur la Corsa électrique, première auto électrique qui sera homologuée par la FIA ?

“Cela prouve que la FIA avance plus vite que la FFSA. Les homologations vont très vite arriver (d’ailleurs la Corsa électrique roulera au moins de septembre en essais).

À la FFSA, on demande l’arrivée des voitures hybrides dans le groupe N, car cela demande de très légères modifications, avec notamment des Toyota, mais on attend.

Ce genre de voitures peuvent permettre de rattraper le retard pris par le rallye, en comparaison avec les autres disciplines du sport auto. Cela va booster la transition.”

Et que pensez du problème de bruit ?

“C’est un vrai problème. Mais on va éliminer 50% du problème d’entrée. Quand on pilote une thermique, notre concentration fait qu’on ne fait pas attention au bruit ambiant. Quand d’anciens pilotes, même de F1 (je ne citerai pas son nom) découvrent l’électrique, ils me disent que l’absence de bruit permet une meilleur concentration du pilotage et qu’ils sont finalement plus précis et efficaces.

Pour l’autre moitié du problème, des solutions sont à l’étude. Sur la Porsche Taycan, c’est déjà en place avec un synthétiseur de bruit par 2 pots d’échappement. On peut choisir d’émettre du son à l’intérieur, extérieur ou les deux. Le bruit est couplé au régime d’accélération.

Au rallye du Var, on a une mauvaise expérience par rapport à ça. L’année où Loeb était présent avec la 306 Maxi, il y avait un monde énorme, et pour nous, c’était catastrophique. Il a souvent fallu utiliser l klaxon pour prévenir des spectateurs qui étaient sur la route. C’est un vrai problème de sécurité pour la FFSA. Il faut créer des bruits artificiels pour prévenir le public.”

Et en ce qui concerne l’autonomie ?

“On ne va bientôt plus en parler. En 2020, les voitures seront déjà toutes à 500 kilomètres environ. Ce qui compte pour convaincre les personnes, c’est la vitesse de charge. 2h, c’est encore trop dans l’esprit des gens, mais quand ça passera à 20 min, voire 10 min, ce sera un grand pas.”

Et que faire des batteries ?

“Les batteries ne se recyclent pas, on les utilise pour autre chose, comme dans celles de téléphones. Quand une batterie arrivera à 90% on va dire, les batteries sont réutilisées pour un stockage de l’énergie solaire à domicile. Cela ne prend pas beaucoup de place et s’installe facilement dans un garage. C’est une filière qui existe et qui ne demande qu’à être développée.

Pour prendre un exemple un sure de batteries, plusieurs Tesla ont dépassé le million de kilomètres et ont des charges maximales entre 90 et 95%.”

Autre point “critique”, l’évocation de la surconsommation pour les centrales nucléaires ?

“C’est en aucun cas un problème. Chaque thermique consomme 2 KW/litre de carburant, les chiffres sont largement vérifiables (source si besoin). Cela prend en compte l’ensemble des consommations jusqu’à l’arrivé dans votre réservoir.

Pour une voiture électrique, on consomme environ 10-12 KW/100 kilomètres. Autant dire que la voiture électrique consomme dans la majorité des cas (sauf très petites consommations), moins d’électricité qu’une thermique.”




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Kwentino
Kwentino
4 années il y a

Bon. A qui faut-il que l’on s’adresse pour dire que l’on n’en veut pas? Pas du tout, en fait. Parce qu’à la lecture de cet article, on a vraiment l’impression d’être mis devant le fait accompli. Et il est clair que ça pourrait être fatal à notre sport préféré. Et passons sur les passages où on a presque pas l’impression d’être pris pour une bille (l’utilisation des batteries comme accu pour panneaux solaires, wouarf!. Et elles vont où, quand elles sont vraiment finies?). Et en cas d’accident, comment ça se passe? Un des éléments les plus excitants du rallye, c’est… Lire la suite »

Type 17
Type 17
4 années il y a

Bien fiston tu as bien résumé la situation.