Bonato : “Le titre ? Un objectif inatteignable”



Habitué à être au sommet du Mont-Blanc depuis trois saisons, Yoann Bonato a chuté d’une marche cette année, délogé par Yohan Rossel, impérial sur les pentes escarpées de la Haute-Savoie.

Si à l’arrivée, sa deuxième place finale apparaît comme un joli résultat brut, le pilote des 2 Alpes a clairement fait la mauvaise affaire du week-end face à un adversaire en route pour le titre.

Dans cette chronique, le pilote Citroën revient justement sur cette situation, estimant que ses chances de titres sont désormais nulles. En fin de chronique, Yoann donne également son avis tranché sur l’arrivée prochaine des premières voitures électriques en rallye, et exprime son énorme crainte sur l’avenir de notre discipline si cette technologie venait à s’imposer.

Tu étais habitué à gagner à Morzine (de 2016 à 2018), il fallait bien que cette série s’arrête un jour. Et cette fois, tu n’as pas pu vraiment jouer la victoire. Quel est ton bilan à l’issue de cette épreuve ?

“Sur ce rallye, on a fait ce qu’on pu pour jouer devant. Malheureusement, on n’a pas réussi à rattraper le temps perdu lors la première boucle. C’est vrai qu’on s’était bien habitué à décrocher la victoire sur le Mont-Blanc, d’ailleurs, c’est le cas de beaucoup de monde autour de nous, car notre 2ème place a fait beaucoup de déçus. C’était drôle, car certaines personnes sont venues me voir la main sur l’épaule d’un ton réconfortant : « t’inquiète yo, ça va aller, vous avez quand meme fait une belle course ! » Du coup, j’avais presque l’impression d’être à nouveau sorti de la route 😂😂. J’essayais de rassurer tout le monde en disant que c’était quand même pas si mal une seconde place. Mais tu l’as dit, toutes les séries s’arrêtent un jour. N’oublions pas qu’on revient de deux abandons consécutifs, alors pour nous ici, l’objectif numéro un c’était déjà de terminer. La première place aurait été idéale, mais la médaille d’argent, nous convient aussi.”

Comment expliquer cette première boucle moyenne, qui a surpris tout le monde au final ?

“Ce weekend sur la C3, nous avons bénéficié d’un nouveau berceau arrière qui amène énormément de grip, c’est une très bonne chose pour l’évolution de la voiture. En revanche, on n’a pas su adapter le train avant pour que son grip suive celui du train arrière. Du coup, on a souffert de beaucoup de sous-virage dans la première boucle, avant de réussir à corriger par la suite.”

As-tu été globalement surpris par les performances de Yohan (Rossel) ?

“Yohan est très rapide depuis le début de saison, ce n’est pas une surprise. Il remporte trois manches d’affilées, ce n’est pas le fruit du hasard. S’il est dans une dynamique de gagne, de notre côté la dynamique est plutôt celle d’une reconstruction, donc on se doutait que ça ne serait pas simple ce weekend. On avait convenu d’ailleurs, si la gagne n’était pas abordable, de terminer le moins loin possible, ce qui a été le cas. Et puis on est surtout content de constater que la C3 marche sur toutes les courses et ça c’est top !

Tu as évoqué à plusieurs reprises un nouveau berceau arrière sur ta C3 R5. Qu’est-ce que cela change au niveau du pilotage pour toi ?

“Le nouveau berceau arrière apporte beaucoup de grip, ce qui demande un petit réajustement du set-up de la voiture pour ne pas souffrir de sous-virage. En essai, on avait commencé à déceler ce sous-virage mais on ne l’avait pas identifié aussi pénalisant. Ce qu’il faut souligner après ce Mont-Blanc, c’est la performance de l’équipe qui a été capable de corriger le tir pendant la course ! Ce n’est jamais évident de faire de tels ajustements dans les conditions de la compétition, alors même si l’écart était fait, je tiens à saluer cette performance.”

Pour le championnat, cette deuxième place, conjuguée à la victoire de Yohan n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour toi. Comment vois-tu cette fin de saison ?

“Clairement, nos chances de remporter le titre cette année sont pratiquement nulles. Aujourd’hui, on pointe deuxième au Championnat, on est remonté d’une place et avec la saison compliquée qu’on a eu cette année ça reste une belle performance. Pouvoir se montrer performant et le plus rapide dans la plupart des courses, c’est le plus important à mon sens aujourd’hui dans notre situation. Bien sûr, on aurait préféré remporter un nouveau titre, mais c’est un objectif inatteignable désormais. Yohan domine un Championnat joué un peu tôt à mon goût cette saison, mais ça montre sa large domination cette année sur le Championnat de France.

Direction le Coeur de France dans trois semaines désormais. Quel est ton avis sur cette épreuve ?

“Le Cœur de France est un rallye sur lequel on a décroché notre premier titre de Champions de France avec Benj, en 2017. C’est aussi la rencontre de choses inoubliables telles que les bottes de pailles en 2017. Alors ça reste un rallye inoubliable pour nous ! Au-delà du bon souvenir, c’est un rallye que j’aime beaucoup. C’est sûr, ça fait un peu loin des 2 Alpes mais une fois que t’es sur place, la route est vite oubliée. La compétition y est très bien organisée et les spéciales sont très rapides, avec des gros appuis, un vrai plaisir à piloter.”

Question un peu hors sujet mais qui intéresse forcément les lecteurs. Quel est ton opinion sur l’arrivée de voitures hybrides en WRC pour 2022, et même des voitures électriques dès la saison prochaine avec Opel ?

“La question n’est pas facile et elle nous concerne tous ! Il me semble juste de consacrer l’électrique à des technologies de pointe comme on peut le voir en Formula-e. La discipline permet de montrer les performances des constructeurs dans un contexte exclusif, l’électrique y a toute sa place (en centre-ville, sur des parkings…).

Mais pour être tout à fait transparent, l’arrivée du tout électrique en rallye m’attriste profondément parce qu’à mon sens, elle signe la fin de notre discipline.

En rallye, les équipages se font plaisir grâce aux performances des voitures (aujourd’hui thermique, demain hybride, après demain électrique). Cependant, ce plaisir reste très égoïste car nous courrons avant tout, grâce et pour faire plaisir aux spectateurs qui eux veulent voir du vrai SPECTACLE !!

Pour avoir testé une Andros avec le magazine Échappement, je trouve que l’électrique est très sympa à rouler. Il y a beaucoup de couple, les performances sont là, c’est indéniable ! Quand il y a de la glisse et que ça roule en peloton, comme à l’Andros c’est top. Mais en rallye le plaisir est à sens unique !! L’équipage est seul à se fait plaisir avec l’électrique.
J’ai beaucoup de mal à imaginer quel plaisir le public va trouver au bord de la route à regarder passer des voitures totalement silencieuses, dépourvues de tout ce qui déclenche l’émotion aujourd’hui avec les voitures thermiques. Même si Momo se mettait à faire des prises 220 V en forme de pot d’échappement chromé, cela amuserait peut être les amateurs de tuning, mais nous perdrons l’essentiel de notre sport.

L’hybride me semble être une bonne alternative ! Elle permet de conserver l’ADN du rallye tel qu’on l’aime aujourd’hui, à savoir une discipline spectacle qui fait vibrer le public grâce au bruit des voitures (qui ne devrait pas changer en spéciale) et à la démonstration de la performance. Malheureusement, je crains que cette technologie nous emmène tout droit vers le tout l’électrique.

Or, il faut bien se dire que nous les équipages, nous faisons du rallye pour notre plaisir, mais si nous existons dans cette discipline, c’est parce qu’il y a du monde qui nous suit et qui prend du plaisir à venir nous voir passer.
Demain, si le passage des voitures de course n’est plus un plaisir pour les gens, ils ne seront plus passionnés par le rallye, c’est à ce moment-là que notre discipline va s’arrêter…”




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ArdechoRallye
ArdechoRallye
4 années il y a

Il a tout dit ! Simplement

giledouard
giledouard
4 années il y a

Je pense que le rallye en général a besoin de tout le monde. Et quand j’entends les sommes astronomiques distribuées à tout va pour le solaire et programmes écolos, je me dis que la FIA sent le vent tourner sur du plus écolo. Il serait donc judicieux de garder les moteurs thermiques et créer un groupe pour le hybride R-hyb et un groupe pour le tout électrique R-e. Ou une discipline à part comme le vhc avec la création de la discipline “verte”. Je ne pense que le rallye tel qu’on le connaît aujourd’hui puisse durer qu’avec le hybride puis… Lire la suite »