Le 21 novembre dernier à Monza en Italie, Julien Ingrassia a tiré un trait sur sa carrière en WRC, terminant son parcours par la plus belle des manières en remportant une 54e et dernière victoire, mais surtout un huitième titre de champion du monde.
Cinq jours après, le copilote aixois a pu fêter son 42e anniversaire, entouré de ses proches, encore porté par l’euphorie d’un final époustouflant et d’une fin de carrière rêvée. Et alors que les essais de pré-saison s’enchaînent pour le Monte-Carlo, Julien prépare petit à petit son avenir, celui-ci restant lié à son sport de toujours. En cette fin d’année, l’octuple champion du monde nous a fait l’honneur de nous répondre pour une longue interview, centré d’abord sur le présent et le futur, puis sur son passé avec les moments les plus marquants de cette très longue carrière dorée.
Voici la première partie de cet interview.
Bonjour Julien. Qu’as-tu fait depuis ce fameux titre décroché à Monza ?
“Après Monza, je me suis forcé mentalement à prendre 15 jours de “repos” car je ne voulais pas trop penser au futur et au passé. Je n’ai presque pas ouvert mon courrier par exemple ! Je voulais vraiment profiter de l’euphorie, de tous ces moments forts et faire perdurer ces émotions. C’est un moment unique dans une carrière.
Après Monza, on a passé deux jours en Autriche avec Seb (pour Red Bull), et à partir de jeudi, j’ai pu rentrer à la maison pour reprendre mon rythme habituel avec les séances de sport et de massage notamment. J’ai profité de cette période pour rester un peu à la maison et voir des amis. J’ai aussi accueilli pendant quelques jours Yukari Okamoto (une japonaise passionnée par l’équipage français depuis 2010) et elle était présente pour mon anniversaire !”
Ta vie de copilote derrière toi, que vas-tu faire maintenant ?
“J’ai quelques plans pour l’avenir. Je ne veux pas perdre trop de temps avant de m’engager dans quelque chose. Avec ma carrière, j’ai compris qu’il est vraiment important et intéressant de transmettre l’expérience que l’on peut acquérir. Je n’ai pas encore défini comment et je veux d’abord établir ce que je peux apporter avant de voir où je pourrais intervenir. Peut-être avec des instances du sport automobile, ou encore des équipes privées. J’ai envie de faire avancer les choses grâce à mon regard général sur ce sport et au niveau des règlements notamment.
J’ai pu goûter un peu à ça avec une chouette expérience en participant à Rallyes Jeunes, même si j’étais la partie immergée de l’iceberg.”
A quel moment as-tu pris la décision d’arrêter ta carrière ? Et pourquoi ?
“C’est une décision qui a mûri petit à petit, mais ma décision a été prise à la sortie de l’été. J’en ai parlé très rapidement à Seb au cours du mois de septembre et l’officialisation est arrivée début octobre. J’ai arrêté pour quelques raisons personnelles et je me suis toujours dit que cette carrière aurait une fin de toute façon. Une fois que tu as goûté à la première place, tu ne penses qu’à ça, c’est ton seul objectif. Le rallye est un sport particulier, tant mentalement que physiquement avec un danger permanent. Je voulais vraiment terminer ma carrière au top et avec le sourire.”
Comment s’est passé ce fameux dernier rallye à Monza ?
“Je suis mis dans ma bulle, encore plus que d’habitude. Tout pouvait arriver sur ce rallye, comme sur un autre. On pouvait arracher une roue ou je pouvais aussi pointer en avance, être pénalisé de plusieurs minutes et terminer loin. Avant le rallye, j’ai eu plus de sollicitations que d’habitude et le championnat était loin d’être terminé.
Au millième de seconde où j’ai franchi la ligne d’arrière, j’ai vraiment eu un sourire et de grandes émotions. J’ai attrapé Seb comme je le pouvais, en se disant que nous avions passé 15 ans de folie à être au top. Et on a eu de belles larmes !”
Au cours de ta carrière en WRC, ce championnat a vécu de nombreux changements (règlement, promotion, format..). Est-ce que certains t’ont plus marqué que d’autres ?
“Il n’y a pas de révolution majeure qui me marque, quelque soit le domaine, mais pleins d’évolutions oui.
Pour la sécurité, l’arrivée d’un système électronique complet dans la voiture est une grande évolution (drapeaux par exemple), tout comme la possibilité pour l’équipage d’appeler à l’aide. Pour le reste, la critique est aisée mais il faut se retrousser les manches pour faire bouger les choses, tout en ayant les moyens et le cerveau ! J’aimerais voir des choses évoluer sur beaucoup de plans, toujours la sécurité bien sûr, mais aussi sur le format des rallyes en ciblant mieux les choses et la promotion.
Pour la promotion justement, il y a tellement de médias et de canaux aujourd’hui que le rallye doit changer selon moi. Pour avoir plus de visibilité, il faut le bon créneau et le bon format pour faire un bon cocktail. Je pense plus à de l’ultra-qualitatif que du quantitatif, même si ça ne va pas plaire à certains.
Le créneau de la Power Stage entre 12h et 13h, c’est vraiment une bonne chose en live. Dans le même ordre d’idée, le vendredi soir autour de 18h30-19h serait intéressant. Le samedi, même si c’est un jour trusté par des sports majeurs, il serait aussi bien de proposer quelque chose en fin d’après-midi.
Au delà de-ça, on pourrait avoir plus de sensations de vitesses avec des caméras différentes, mais aussi plus d’histoires à raconter ! Ce sont les humains qui font les histoires, pas les machines.
Au niveau de la réalisation, je me rappelle dans le passé avoir vu des images Canal+ avec un écran divisé en trois pendant une spéciale. Une partie avec la vue d’hélicoptère, mais aussi deux embarquées, c’était top. Le ghost (superposition et comparaison de l’évolution des voitures en spéciale) était sympa aussi, et on pourrait ponctuellement faire ça.”
Est-ce que tu as regardé un peu la réglementation 2022 ?
“Je m’y suis intéressé oui. Le réel fonctionnement et le règlement sont arrivés sur le tard. Il y a encore des choses à comprendre pour les équipages et la fédération, ça se fera au fil de la saison. Tout s’est un peu fait dans l’urgence. Je suis monté dans la 2022 qu’en statique. Du point de vue de la sécurité, et même si c’est un seul cas, la dernière sortie de Neuville apparaît comme une progression. Si je décide d’être impliqué en WRC à l’avenir, il faut que je comprenne le fonctionnement de la voiture 2022.”
Est-ce que tu comptes faire un essai dans la Toyota d’ailleurs ?
“Au mois de janvier, j’espère assister à une séance d’essais de Toyota et j’en profiterais pour voir l’équipe d’essais que je n’ai pas vu depuis longtemps. Je ne sais pas s’ils vont me proposer de monter dans la voiture mais je demanderais probablement à le faire ! Je pourrais ainsi me rendre compte de pas mal des choses, comme des discussions actuelles à propos du positionnement de l’équipage dans la voiture. Cela me permettrait d’être au contact du terrain, ce qui est essentiel pour essayer d’améliorer les choses dans l’avenir.”
La suite à venir (normalement) demain avec quelques moments marquants de sa longue carrière.
super entretien avec Julien, vivement la suite…
Merci RallyeSport pour tout ce que vous faites! Vous faites vraiment du super boulot pour nous proposer autant de news à tous les niveaux avec des interviews du perfo en coupe de France les weekends jusqu’à des interviews de stars comme Julien. Votre site est complet et probablement le meilleur à suivre pour les passionnés comme nous le sommes tous ici. MERCI!